“Il n’y a que le provisoire qui dure” (en français dans le texte). Ce proverbe français s’applique parfaitement à la taxe d’habitation (council tax) en vigueur au Royaume-Uni. Ce prélèvement annuel sur la propriété résidentielle est aussi irrationnel qu’injuste. Introduite en 1992 pour remplacer la très impopulaire (et à juste titre) “community charge”, plus connue sous le nom de “poll tax”, née sous Margaret Thatcher en 1989, elle constitue un progrès, mais qui n’a pas supprimé les défauts grossiers de la taxe qui l’a précédée. Depuis lors, elle est figée. Aucune réévaluation de la valeur des biens immobiliers n’a eu lieu depuis 1991. Les arguments en faveur de la réforme sont devenus absolument écrasants, comme le montre clairement un excellent rapport de la Resolution Foundation.
“Aucune réévaluation de la valeur des biens immobiliers n’a eu lieu depuis 1991”
La principale caractéristique de la taxe d’habitation, outre le ridicule défaut de ne pas réévaluer la valeur de la propriété, est qu’au lieu de prélever l’impôt sur la valeur de chaque propriété, les propriétés sont toutes placées dans l’une des huit catégories. De plus, la catégorie supérieure est très vaste : tout bien d’une valeur supérieure à 320 000 livres sterling (366 000 euros au taux actuel) en 1991 y est placé. Les milliardaires qui vivent à Kensington paient la même taxe que quelqu’un qui occupe une propriété relativement modeste.
La taxe d’habitation est cependant régressive sur bien d’autres dimensions. L’impôt payé est le même à l’intérieur de chacune des catégories. En raison de l’absence de réévaluation des propriétés pendant 27 ans, il n’a pas été tenu compte de l’augmentation relativement spectaculaire de la richesse immobilière dans certaines parties du pays (notamment à Londres). En outre, étant donné que la valeur moyenne des biens immobiliers était (et est) plus élevée dans certaines régions du pays que dans d’autres, le taux d’imposition est nécessairement plus élevé dans les endroits où les biens immobiliers ont moins de valeur et vice versa. Plus important encore, le taux d’imposition augmente beaucoup plus lentement que la valeur du logement, d’une catégorie à l’autre. La taxe a été conçue pour être régressive dès le départ. Et c’est ainsi.
Il faut noter que cela aboutit à une injustice intergénérationnelle. Comme l’indique le rapport, la taxe d’habitation pénalise les jeunes et surtout cette génération de jeunes adultes, plus susceptibles que leurs prédécesseurs de vivre dans les logements relevant des catégories d’imposition les plus basses (les plus régressives)… Il en résulte qu’en proportion de la valeur de la propriété – et encore plus en proportion de la richesse foncière, étant donné le faible taux d’accession à la propriété parmi les cohortes plus jeunes – l’impôt foncier est devenu plus généreux pour les ménages plus âgés.
Il serait possible d’améliorer le système par des réévaluations systématiques et régulières, avec l’ajout de plus de catégories au sommet, allant jusqu’à 100 millions de livres sterling (114 millions d’euros). L’impôt devrait être prélevé en proportion de la valeur. Là où la réforme mettrait en difficultés les ménages de personnes âgées riches en logements et pauvres en revenus, on pourrait capitaliser l’impôt et le prélever au décès.
“L’existence d’un impôt foncier est totalement justifiée par le fait que les propriétaires-occupants jouissent d’un revenu implicite extrêmement faiblement imposé”
L’existence d’un impôt foncier est totalement justifiée par le fait que les propriétaires-occupants jouissent d’un revenu implicite extrêmement faiblement imposé. En outre, le Royaume-Uni devra augmenter les impôts à l’avenir pour payer les services essentiels. Il existe de solides arguments en faveur de l’efficacité de la taxation de la propriété : la terre ne peut pas échapper à l’impôt. De plus, les hausses de la valeur des terres sont principalement des enrichissements passifs. Il n’y a pas de raison justifiant que les gains exceptionnels des propriétaires soient moins lourdement taxés que les bénéfices des entreprises. Pourtant, c’est ce qui se produit. En effet, le rapport souligne une question plus globale : la richesse nette des ménages a doublé au cours de la dernière génération par rapport au produit intérieur brut ; mais le ratio des impôts sur la richesse par rapport au PIB a stagné.
La décision de réformer la taxe d’habitation ou, mieux, de la remplacer par un nouveau système, soulèverait quelques questions importantes. L’une d’entre elles est de savoir comment intégrer la fiscalité des collectivités locales dans ce qui devrait idéalement être un système national. La réponse évidente serait d’avoir un système national d’imposition avec une variation locale des taux. L’un des avantages d’une telle réforme est que la taxation dans des villes comme Londres augmenterait, ce qui encouragerait les gens à déménager ailleurs.
Autre question : comment intégrer la réforme de la fiscalité foncière dans le développement du logement ? Il faut taxer lourdement la valeur des terrains non bâtis qui ont un permis de construire. Il serait également possible de remplacer la taxe d’habitation par une taxe sur la valeur foncière. Mais c’est moins nécessaire, puisque le principal déterminant des différences de prix d’un logement est toujours la valeur du terrain. Dernière question : comment lier les réformes de la taxe d’habitation à la réforme du droit de timbre sur les transactions ? Idéalement, il devrait s’agir d’un remplacement.
“Autre question : comment intégrer la réforme de la fiscalité foncière dans le développement du logement ?”
Les travaillistes ont toutes les raisons de soutenir une réforme de la taxe d’habitation. Mais si les conservateurs veulent convaincre les jeunes qu’ils sont de leur côté, l’argument en faveur de la réforme est tout aussi écrasant. La taxe d’habitation est un gâchis désuet. Réformez-la maintenant.
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