L’appétit pour l’immobilier pousse les fonds vers plus de diversification

Malgré un ralentissement en fin d’année, la collecte des fonds immobiliers reste forte. Pour absorber cet afflux de liquidités, les gestionnaires se tournent vers de nouveaux types d’actifs et de géographies.
Encore une année exceptionnelle pour les fonds immobiliers français. Au total, la collecte des SCPI immobilier d’entreprise et des OPCI grand public a dépassé les 10 milliards d’euros, un chiffre supérieur de 6,3 % à celui atteint en 2016, qui était pourtant lui-même en progression de 42,6 % par rapport à 2015. Ces produits capitalisent aujourd’hui 59 milliards d’euros.

Grand succès de ces dernières années, les OPCI, ces produits hybrides investissant à la fois dans de l’immobilier physique et des supports cotés, ont quasiment vu leur capitalisation tripler en deux ans (13 milliards d’euros aujourd’hui). Ils répondent bien aux besoins de l’assurance-vie : ils offrent un rendement suffisamment stable et significatif pour pallier la « panne » du fonds en euros, en plus d’une liquidité intrinsèque, rassurante pour les assureurs-vie appelés à les intégrer comme unités de compte dans les contrats.

Une saisonnalité très inhabituelle
Une collecte toujours forte, donc, mais une saisonnalité très inhabituelle : après un formidable premier semestre 2017, le marché s’est infléchi. Un effet Macron, expliquent les professionnels. « En décidant de supprimer l’ISF au profit d’un impôt recentré sur les actifs immobiliers, il a clairement eu un effet dissuasif pour les personnes concernées, à quoi s’ajoute un effet lié à la communication, désignant en quelque sorte l’immobilier comme l’actif à éviter », explique Thomas Guyot, directeur France de Schroder Real Estate (SREIM). Des effets transitoires, qu’il convient de relativiser. « Depuis quatre ans, le volume d’investissement sur l’immobilier de bureau en Ile-de-France a atteint 15 milliards d’euros, et même 25 milliards sur le tertiaire au sens large : du jamais vu ! », rappelle Grégory Frapet, président du directoire de Primonial REIM.

L’appétit pour les actifs immobiliers reste important du côté des investisseurs particuliers mais aussi des institutionnels. La dernière enquête de Preqin montre que 26 % d’entre eux pensent augmenter leur allocation dans l’année qui vient et seulement 16 % souhaitent la diminuer. Mais cet appétit même n’est-il pas un problème potentiel ? « Ces dernières années, les SCPI et OPCI sont devenus les plus grands acquéreurs d’actifs tertiaires en France. Ils ont largement impacté le marché et contribué à la hausse des prix », remarque Thomas Guyot. A lui seul, Amundi a réalisé plus de 6,4 milliards d’euros de transactions immobilières en 2017, dont 4,3 milliards en France : un chiffre qui se compare à un marché de l’immobilier tertiaire qui pèse environ 25 milliards d’euros par an.

Un marché contraint par l’offre
« Le marché de l’investissement immobilier n’est pas élastique et reste très contraint par l’offre. Cela explique pourquoi les gérants ont diversifié vers d’autres secteurs et pays : le bac à sable français n’est plus à la hauteur de la collecte », résume Marc Bertrand, président de La Française REM. Or, les  perspectives de l’immobilier européen ne sont peut-être plus si roses qu’elles l’ont été ? Certes, à court terme, la solidité de la croissance européenne devrait soutenir les taux d’occupation, et peut-être l’inflation, donc les loyers. De quoi compenser l’impact d’une hausse des taux, si elle reste progressive.

Mais les spécialistes de Deutsche AM rappellent une évidence. « En tant qu’investisseurs immobiliers, nous devons nous garder d’accorder trop de poids au court terme, écrivent-ils dans un récent rapport. Sur les perspectives à 5 ou 10 ans, nous sommes aujourd’hui plus prudents : au fur et à mesure, la croissance va ralentir, tandis que la politique monétaire se durcira en Europe. »

Cette prudence incite aujourd’hui les acteurs à avoir une approche plus diversifiée et plus fine de la classe d’actifs. Ils sont de plus en plus nombreux à aller au-delà de la simple acquisition de bureaux « prime » (c’est-à-dire de meilleure qualité) à La Défense.

L’investissement immobilier se décline par exemple dans des stratégies plus thématiques. « Les actifs de santé sont un axe de diversification intéressant, offrant de bons rendements et des baux longs. Nous avons aussi une vision positive sur l’immobilier résidentiel ancien, dans les zones tendues en termes de demande locative, qui offre un potentiel de hausse des prix plus difficile à anticiper dans le bureau », affirme Grégory Frapet, chez Primonial REIM.

Autre sujet en vogue : les actifs logistiques. « Il y a un fort regain d’intérêt des investisseurs institutionnels pour ces actifs jadis négligés, grâce à la montée en puissance du commerce en ligne », résume Thomas Guyot.

Emmanuel Schafroth

lesechos.fr

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