Taxe sur terrains non bâtis: Le cauchemar des promoteurs

Dans la famille des impôts qui pénalisent inutilement les contribuables, la taxe sur les terrains non bâtis (TNB) figure en bonne place. En effet, de nombreux promoteurs immobiliers sont obligés de réaliser des projets, alors que la demande ne suit pas.

«La forte pression exercée par la taxe sur les terrains non bâtis nous pousse à construire tout en étant convaincus que les acquéreurs ne seront pas au rendez-vous. Mais c’est la seule option pour ne pas subir la taxe dont le cumul dépasse parfois la valeur globale du terrain», affirme un opérateur. Conséquence: le stock de logements invendus gonfle chaque année.

La TNB avait été instituée par le dahir 1-07-195 (30 novembre 2007) pour décourager la spéculation sur le foncier. Elle s’applique exclusivement aux terrains situés en milieu urbain. Les terrains nus utilisés dans l’exploitation professionnelle ou agricole sont hors champ de la taxe dans la limite de 5 fois la surface du foncier exploité.

Le législateur fiscal ne fait pas de distinction entre terrains non bâtis pour des raisons spéculatives et les opérateurs qui constituent un stock de foncier pour réaliser des projets immobiliers ou des lots. Il ne fait pas non plus de distinguo non plus entre des personnes physiques et morales.

Le barème de la TNB varie selon la nature du foncier (voir grille). Les montants peuvent être faramineux surtout dans le cas des grandes superficies. Ainsi, pour un terrain de 2 ha, par exemple, le montant de l’impôt peut atteindre au moins 400.000 DH par an. Pour des surfaces plus grandes, les niveaux de taxation sont plus importants. Et tant que le terrain n’est pas construit peu importe la raison, le compteur fiscal continue de tourner.

Par ailleurs, le barème de la taxe reste à la discrétion de la collectivité territoriale. Certaines appliquent le taux le plus élevé même s’il est injustifié. C’est ce qui fait qu’à la longue, un terrain, surtout une grande surface, est alourdi par la taxe à tel point que son propriétaire va y réaliser le plus vite possible un projet pour arrêter d’être taxé.

Pour les promoteurs immobiliers structurés, la détention d’un foncier apparaît dans la rubrique stock au bilan. «Le paiement de cette taxe s’applique donc à notre stock et augmente chaque année son coût. Cette augmentation  de l’actif ne correspond pas à un enrichissement de la société. Elle est donc artificielle et participe à donner une fausse image du bilan. Ce qui peut induire une mauvaise information des actionnaires et des tiers pour l’appréciation de la véritable valeur vénale de l’action et même conduire dans certains cas à des distributions de dividendes fictifs», explique un promoteur immobilier.

La loi prévoit des exonérations de trois à sept ans selon la destination du foncier et de sa superficie: constructions de logements sociaux, opérations d’aménagement ou de développement pour les superficies à partir de 30 ha. Le délai d’exonération commence à courir à partir de la date de la délivrance du permis de construire.

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«Mais avant d’obtenir l’autorisation de construire, il faut réaliser des études et soumettre le dossier à l’administration, qui formule des observations. S’ensuivent d’interminables allers-retours. En attendant, il faut continuer de payer la taxe durant cette période qui risque d’être parfois assez longue», précise le promoteur.

L’exonération de la taxe peut être retardée par des facteurs dus à l’administration elle-même ou aux régies de distribution d’eau et d’électricité. Autre aberration, le promoteur immobilier doit s’acquitter de la TNB trois ans après autorisation pour la partie non vendue d’un lotissement ou sur la partie non encore réceptionnée d’un projet.

Dans les deux cas, le promoteur doit supporter des coûts financiers dus à des retards par manque de réactivité de l’administration ou de certaines régies de distribution ou à cause de la demande qui se fait attendre. Un phénomène qui risque de s’éterniser car, pour éviter les surcoûts engendrés par la TNB, de nombreux promoteurs accélèrent la cadence pour réaliser des projets, contribuant ainsi à accentuer une offre qui dépasse largement la demande.

Par mesure d’équité fiscale et de «bon sens» aussi, certains promoteurs proposent que la taxe soit exclusivement appliquée aux spéculateurs qui vendent leurs terrains en l’état. Le législateur pourrait arrêter les critères d’exonération des promoteurs dont le foncier constitue un stock.

Il est également proposé que les retards attribués à l’administration ou aux régies de distribution ne soient pas tenus en compte pour la taxation.

Un barème à la discrétion de l’ordonnateur

«La loi ne précise pas de taux ou de tarifs d’imposition fixes de la taxe sur les terrains non bâtis. Ces derniers sont fixés par arrêté pris par l’ordonnateur qui applique parfois le tarif le plus élevé sans tenir compte du site ou de l’affectation du terrain par le plan d’aménagement», regrette un promoteur. De nombreux propriétaires terriens voient leur foncier intégré dans le périmètre urbain. Ce qui devrait contribuer à la valorisation de leur terrain et donc à son assujettissement à la TNB. Mais entre la publication des plans d’aménagement provisoire et définitif, le propriétaire est soumis à la taxe. En cause, la notion de plan d’aménagement provisoire n’est pas prévue par la loi 92-90 relative à l’urbanisme.

                                                                      

Pour les fiscalistes, la taxe doit être supprimée

Le Cercle des fiscalistes du Maroc a transmis à la Direction générale des impôts (DGI) ses recommandations sur le réaménagement de certaines dispositions fiscales dans le cadre des 3e Assises de la fiscalité. Parmi elles, figurent la révision du barème de la taxe sur les terrains non bâtis qui «tend plutôt à appauvrir le citoyen».

En effet, si l’on prend l’exemple des propriétaires dont le terrain a été intégré dans le périmètre urbain, ils doivent payer parfois de gros montants puisque beaucoup d’entre eux possèdent de grandes superficies, alors qu’ils n’en ont généralement pas les moyens. Du coup, ils sont forcés de céder leur terrain.

En outre, Brahim Bahmad, président du Cercle des fiscalistes du Maroc, s’interroge sur «le préjudice subi par la collectivité pour taxer les terrains non bâtis». L’association propose la suppression de cet impôt qui touche le patrimoine et de le remplacer éventuellement par une taxe sur les services communaux avec un taux réduit» en contrepartie du nettoyage, de l’éclairage public, de l’équipement…

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