Selon «l’Enquête Logement 2012» et selon l’étude d’évaluation du programme de logements sociaux à 250000 dh et à 140000 dh 2010-2017, présentées respectivement en 2015 et en 2018 au siège du Ministère de l’Habitat, il parait clairement que le gouvernement porte toujours le souci de produire plus de logements pour atteindre un objectif plutôt quantitatif que qualitatif.
Mais, il faut reconnaitre que le gouvernement déploie des efforts louables à travers son ministère de tutelle, le Groupe Al Omrane ainsi que les opérateurs privés du secteur de l’habitat afin de réduire le déficit en logements tout en le baissant de 1,2 million en 2002 à 400000 unités en 2017. Cependant, le débat sur le logement social prend aujourd’hui une autre direction. Laquelle ?
Logement à 250000 dh et logement à 140000 dh : Deux programmes pour ne résorber que le déficit
Une résorption du déficit en logements et en équipements cumulés, incluant bidonvilles sommaires, habitats vétustes, habitats insalubre…constitue l’action prioritaire du gouvernement. Il s’agit d’une action caractérisée par son rythme rapide et par son consensus au niveau des différents intervenants dans la chaine de construction et au niveau de la politique publique relative à l’habitat.
Mais, il faut reconnaitre aussi que les deux programmes de logements à 250000 dh et à 140000 dh, destinés respectivement aux ménages à revenu moyen et à revenu faible, lancés à partir de 2010, ont propulsé le secteur de l’habitat tout en créant une dynamique économique autour. Pour l’histoire de l’habitat au Maroc, ces deux programmes ont fait face à ‘’une crise de logement’’ qui allait se reproduire au Maroc à cause de l’explosion démographique et l’exode rural, d’une part, et de la forte demande en logements sociaux, d’autre part, à l’instar du programme de 200000 logements qui a été lancé dans le début des années 90.
En comparaison avec le Recensement de 2004, l’effectif de la population du Royaume, selon les résultats du recensement général de la population et de l’habitat de 2014, a enregistré un accroissement absolu de 3.956.534 personnes, soit un taux d’accroissement global de 13,2% et un taux d’accroissement annuel moyen de 1,25% durant la période intercensitaire 2004-2014 contre 1,38% pour la période intercensitaire 1994-2004.
Alors, l’enquête logement 2012 à des échelles différentes (national, régional et local) a permis d’estimer le nombre global des constructions et des logements urbains en 2012 respectivement à 3.610.428 et 5.829.560 au niveau national contre respectivement 2.507.441 et 4.023.725 en 2000. Ce qui représente des productions annuelles moyennes de 91.915 constructions et 150.486 logements entre 2000 et 2012.
En termes de résidants, 20.432.439 personnes résident en milieu urbain et 13.415.803 en milieu rural, ce qui représente un taux d’urbanisation de 60.3% en 2014 contre 55,1% en 2004. Le nombre de citadins est passé donc de 16.463.634 en 2004 à 20.432.439 en 2014, ce qui représente un taux d’accroissement démographique annuel moyen de 2,2% au cours de la période intercensitaire 2004-2014 contre 2,1% au cours de la période intercensitaire 1994-2004.
Ainsi, le gouvernement avait décidé donc de résoudre cette équation à trois inconnus : offre-prix-qualité. Il est arrivé à trouver les deux premiers, mais il est à toujours à la recherche du troisième.
Depuis l’année 2010 qui a été marquée par le lancement du programme d’habitat social à 250.000 DH jusqu’à fin 2017, le nombre total de conventions contractées avec les promoteurs s’élève à 1.114 conventions, selon l’étude d’évaluation du programme de logements sociaux à 250000 dh et à 140000 dh 2010-2017 élaborée par des experts en la matière et présentée dans la grande salle du siège du Ministère de l’Aménagement du Territoire National, de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville, en présence du Ministre Mr Abdelahad Fassi Fihri, de la Secrétaire d’Etat chargée de l’Habitat, Mme Fatna El-K’Hiel et du Président du Holding Al Omrane, Mr Badre Kanouni et devant d’autres intervenants principaux dans l’acte de bâtir, le mardi 24 Avril 2018.
Ainsi, selon toujours cette étude, le nombre des unités conventionnées a atteint 1.663.449 logements à fin 2017 et dont 96.4% relèvent des conventions signées avec les promoteurs privés.
Par ailleurs et comparativement à l’objectif du programme (300.000 unités à l’horizon 2020), le bilan des logements achevés du programme des logements sociaux à 250.000 DH montre que cet objectif a atteint 122,2% à fin 2017, selon toujours cette étude.
Parc logements : y a-t-il une répartition équitable entre le milieu urbain et le milieu rural et entre les villes elles-mêmes ?
Il est à préciser que la dynamique urbaine au niveau national est caractérisée par 3 composantes majeures étant à l’origine de l’évolution de l’effectif de la population des milieux urbains : La croissance naturelle de la population, les mouvements migratoires des zones rurales vers les zones urbaines (exode), l’extension des périmètres urbains par le changement de définition des limites des localités urbaines ou le reclassement de localités rurales en localités urbaines.
Ainsi, selon l’étude d’évaluation du programme de logements sociaux à 250000 dh et à 140000 dh 2010-2017, 70% des logements achevés dans le cadre du programme des logements sociaux à 250.000 DH se situent dans les régions de Casablanca Settat (45%), Tanger Tétouan Al Hoceima (13%) et Rabat Salé Kénitra (12%).
Afin de construire des politiques publiques adéquates en matière d’habitat, il est nécessaire de disposer d’une bonne connaissance de la demande, une connaissance qui prend en considération la trajectoire résidentielle des ménages.
La connaissance de la trajectoire résidentielle des ménages représente un élément important permettant de caractériser au mieux la demande de manière dynamique. Elle est le résultat de l’évolution dans le temps des caractéristiques des ménages, notamment le nombre, la taille, le revenu, l’emploi et la mobilité.
Malgré que l’auto-construction occupe une place importante dans la production de logements dans certaines régions par rapport à la production structurée de logements réalisés par des opérateurs privés ou publics, le type ‘’appartement’’ ou logement social prend de plus en plus de l’allure en fonction de la conscience collective qui se développe avantageusement au Maroc.
Ainsi, il y a lieu de constater une disparité inter-région en termes de production de lots, logements et d’auto-construction. Ainsi, trois types de régions se distinguent par le mode opératoire de construction.
Les régions dans lesquelles l’auto-construction dépasse le nombre de logements produits par des opérateurs publics et privés sont : Chaouia Ouardigha, Doukkala Abda, Fès Boulemane, Gharb Chrarda Bni Hssen, Guelmim Es Smara, Laayoune Boujdour SL, Meknès Tafilalèt, Oriental, Oued Eddahab Lagouira, Rabat Salé Zemmour Zaërs, Tadla Azilal, Taza Al Hoceima Taounate.
Les régions dans lesquelles le nombre de logements produits par des opérateurs publics et privés est supérieur à l’auto-construction sont Grand Casablanca, Marrakech Tensift, Souss Massa Drâa et Tanger Tétouan.
Les régions au sein desquels les opérateurs privés sont les principaux aménageurs des lots sont Guelmim Es Smara, Tadla Azilal, Tanger Tétouan et Taza Al Hoceima Taounate.
Le statut de propriétaires est prédominant, malgré un coût élevé d’accès à la propriété, parce que culturellement les ménages s’orientent plus vers la propriété que vers la location, même en milieu informel pour les couches défavorisées, notamment bidonville et habitat non réglementaire. D’autant plus que le gouvernement mène une politique publique encourageant l’accès à la propriété à travers la vente des logements, en particulier le logement social à 250000 dh.
Cependant, le milieu rural ne constitue pas une destination de prédilection de la part des promoteurs immobiliers à cause de la faible demande pour le logement social et à cause du mode d’occupation du sol qui est généralement horizontal.
En amont et en aval, le stock national du logement social a été évalué à 1.178.383 logements en 2012, soit 25% du parc global urbain. Ce qui montre qu’un logement sur quatre en milieu urbain relève du type « logement social».
En termes de structure, ce parc est localisé principalement dans les grandes régions du pays : 67% de ce parc se retrouvent dans les régions de Grand Casablanca avec (23%), Rabat Salé Zemmour Zaër (15%), Tanger Tétouan (9%), Fès Boulemane (9%), Meknès Tafilalet (6%) et Souss Massa Drâa (6%). Plus encore, la moitié de ce parc se concentre dans huit agglomérations du pays, à savoir : Casablanca (18%), Salé (8%), Fès (6%), Tanger (4%), Grand Agadir (4%), Rabat (3%), Marrakech (3%) et Grand Meknès (3%).
Par ailleurs et à l’instar du parc global principal, la structure du logement social selon le type d’habitat est caractérisée par une prépondérance de la maison marocaine moderne quelle que soit la région ou la ville, à l’exception de Casablanca. Cette dernière constitue l’essentiel du parc social au Maroc (près de 67% en 2012 à l’échelle nationale avec une variation allant de 48% pour le Grand Casablanca à 92% pour Guelmim Es-Smara). Ce qui montre que les ménages concernés privilégient l’acquisition de lots de terrains et l’auto-construction.
L’appartement en immeuble, avec 29% à l’échelle nationale, se développe, en particulier dans les grandes métropoles comme Casablanca (57%), Salé (43), Rabat (40%), Fès (37%) et Tanger (36%).
Ainsi, ces villes ont bénéficié d’importants projets dans le cadre des programmes de logements sociaux.
Cependant, le produit issu des deux programmes du logement social et du logement à FVI, respectivement à 250000 dh et à 140000 dh, affiche aujourd’hui un délai d’expiration à ne pas dépasser, qui est l’an 2020.
Les deux programmes de logements sociaux et à FVI: Une remise en cause ?
Si l’étude d’évaluation du programme de logements sociaux à 250000 dh et à 140000 dh 2010-2017, révèle que la production globale d’équivalents logements s’élève à 472.792 unités (logements achevés et 50% de ceux en cours de construction) avec un investissement global du programme de145, 1 Milliards de DH, comprenant les prix d’acquisition et la valeur des locaux commerciaux, il n’en demeure pas moins que l’étude reproche à ces programmes d’être derrière les dispositifs fiscaux mis en place par l’Etat et qui se sont traduits par un manque à gagner considérable pour le Trésor Public et les Collectivités Territoriales, au titre du programme des logements sociaux à 250.000 DH, atteignant 25,8 Milliards de DH (sur la période 2010-2017). Le niveau de ces manques à gagner cumulés témoigne de l’importance des efforts fournis principalement par l’Etat (23,6 Milliards de DH) et, subsidiairement, par les Collectivités Territoriales (2,2 Milliards de DH) pour promouvoir la production de logements sociaux et favoriser l’accès à la propriété des ménages à revenus modestes.
En langage clair de l’étude, le trésor public et les collectivités territoriales ont perdu beaucoup d’argent en faveur des promoteurs immobiliers.
Magazine Innovant avait évoqué auparavant que le gouvernement va procéder à l’enlèvement de tous les avantages fiscaux offerts aux promoteurs immobiliers à partir de 2020, date d’expiration des deux programmes.
Ce qui est paradoxal, c’est que le programme de logements sociaux à 250000 dh et le programme à 140000 dh ont atteint les objectifs tracés et ont connu un franc succès, selon l’étude elle-même.
L’étude stipule qu’ ‘’en dépit de ce manque à gagner global, le bilan comparatif des charges et des gains est largement bénéficiaire. Le programme d’habitat social parait constituer, à la fois, une aubaine pour la croissance économique et un levier judicieux de développement humain, tant les impacts économiques et sociaux des réalisations s’avèrent considérables’’
Cette étude précise aussi que sur le plan économique, le programme a permis de créer de la richesse pour plus de 107,3 Milliards de DH, soit 13,4 Milliards de DH par an (42,2% de la valeur ajoutée du secteur Bâtiment, 26,5% de celle du BTP et 1,6% de PIB national). Il a participé à la formation brute du capital fixe (FBCF) avec 145,1 Milliards de DH, soit 18,1 Milliards de DH par an (22,7% de la FBCF du secteur Bâtiment, 13,4% de celle du secteur BTP et 6,6% au niveau national).
En matière de réalisation des équipements de base ou de proximité et outre la voirie et le raccordement généralisée aux réseaux de base, le programme a permis la réalisation de 148 équipements dans différents domaines.
Cette étude ajoute aussi qu’au niveau de l’emploi, les réalisations à fin 2017 ont permis de créer 221.391 emplois (94,6% directement et 4,4% indirectement), ce qui représente, en moyenne, 27.674 emplois par an. De même la masse salariale globale distribuée par le programme s’est élevée à 32,2 Milliards de DH (soit 4 Milliards de DH par an).
L’étude précise aussi que sur le plan social, le programme apporte, à travers le ciblage de ménages pauvres et vulnérables, une contribution efficace et judicieuse à la lutte contre la pauvreté et l’habitat insalubre ainsi qu’à la consolidation de l’équité et la cohésion sociales. Il a permis, ainsi, l’accès des ménages à revenus modestes à la propriété et l’amélioration du confort de leur logement et de leurs conditions de vie ; étant entendu que les ménages acquéreurs de ces logements relèvent, en majorité, de la classe pauvre et vulnérable et dont les logements précédents étaient parfois insalubres.
Ainsi, il ressort de l’évaluation des résultats agrégés des réalisations du programme que les efforts consentis par l’Etat sont largement compensés par les retombées bénéfiques de ces réalisations, selon toujours le contenu de cette étude.
En effet, il s’agit d’un travail considérable réalisé par cette équipe de consultants qui ont présenté ces chiffres et les résultats d’un tel effort fourni par l’Etat en termes de politique publique de l’habitat.
Mais, le débat s’est amorcé encore une fois pour revoir le programme de logements sociaux à 250000 dh et le logement à 140000 dh et prendre une nouvelle direction prônant cette fois-ci la qualité. Ce que Magazine Innovant va présenter en 2ème partie à publier dans sa prochaine édition du mois de juin.
En effet, près des ¾ des acquéreurs apprécient l’apport du programme de logements sociaux à 250.000 DH. En effet, 74% des acquéreurs déclarent être moyennement satisfaits (63%) ou même très satisfaits (11%). Toutefois, l’étude enregistre un taux d’insatisfaction de l’ordre de 26%.
D’un autre côté le manque à gagner qui a été évoqué dans cette étude montre que l’Etat ne tolère plus que la réussite de ces deux programmes soit en faveur des promoteurs immobiliers et au détriment du trésor de l’Etat et des collectivités territoriales souffrant d’une insuffisance de fonds pour gérer leurs communes.
Mais, les promoteurs immobiliers constituent un lobby fort et puissant lui permettant de refuser d’intégrer toute opération de construction de logements lancée par l’Etat, non rentable pour eux. Mais, le gouvernement parait porter un nouveau regard sur les deux programmes de logements sociaux, à savoir le programme à 250000 dh et le programme à 140000 dh.
Discours de clôture de Madame la Secrétaire d’Etat chargée de l’Habitat et de la Politique de la Ville
A l’occasion de la cérémonie de présentation des résultats de l’étude d’Evaluation du Programme de Logements Sociaux à 250.000 DH et du Programme de Logements à Faible Valeur Immobilière de 140.000 DH, Mme la Secrétaire d’Etat chargée de l’Habitat et de la Politique de la ville a prononcé un discours qui appelle à la consolidation des acquis de ces deux programmes et à leur recadrage en vue d’atteindre les objectifs fixés.
Le discours de Mme la Secrétaire d’Etat chargée de l’Habitat et de la Politique de la Ville :
« Au terme de cette journée consacrée à la présentation des résultats de l’étude d’Evaluation du Programme de Logements Sociaux à 250.000 DH et du Programme de Logements à Faible Valeur Immobilière de 140.000 DH, je tiens à remercier tous les partenaires ici réunis pour avoir accepté d’assister à la présentation des résultats de cette étude, résultats que nous tenons à partager avec nos partenaires.
Je tiens aussi à remercier tous les Départements qui ont collaboré à la réalisation de cette étude que ce soit du secteur public ou du secteur privé.
Par la même occasion, permettez-moi de féliciter en votre nom tous le bureau d’étude Marsult Info pour la qualité du travail et de la présentation, travail qui a permis de mesurer l’impact socio-économique du programme objet de l’étude.
Ce département, et dans un souci d’amélioration continue de ces programmes structurants et des plans d’action, a toujours tenu à procéder à une post-évaluation de ses réalisations en mesurant les résultats, en les comparant aux objectifs et en relevant les contraintes qui expliquent les écarts. Ceci permet aux décideurs et intervenants de consolider les acquis et de recadrer les programmes en vue d’atteindre les objectifs fixés.
Compte tenu des résultats de l’étude, et après analyse, il s’avère important de conjugueur les efforts de tous les partenaires concernés afin de réguler l’équation offre/demande et améliorer le cadre de vie des citoyens par la production de logements décents et de qualité.
Aussi, des mesures d’ajustement et de recadrage, sont nécessaires pour assurer la redynamisation et la durabilité des programmes sociaux. Ces ajustements doivent tenir compte des spécificités de chaque produit en fonction de sa destination.
Par ailleurs et concernant le volet qualitatif et technique des programmes, et au-delà de la satisfaction formulée par les ménages questionnés lors de l’enquête, il est conseillé de veiller à la qualité de l’environnement et des équipements pour les deux programmes, et d’inscrire ces derniers dans un cadre favorisant les concepts de développement durable.
Pour ce faire, et dans le but d’assurer un suivi plus rigoureux des programmes, il y a lieu de revoir le mécanisme dans son ensemble pour une meilleure qualité de suivi et d’exécution des travaux de réalisation des logements.
A la fin, je réitère mes remerciements à l’ensemble des acteurs du secteur immobilier, professionnels et institutionnels pour leur disponibilité à collaborer pour rendre tous les programmes en cours ou futurs opérationnels et répondant à nos attentes tous. »
D’après l’intervention de Mme la Secrétaire d’Etat chargée de l’Habitat et de la Politique de la Ville, il parait clairement que le volet « qualité » et le volet « technique », concernant les deux programmes de logements sociaux, à 250000 dh et à 140000 dh, sont aujourd’hui de mise.
Ce que Magazine Innovant va reprendre en 2ème partie de ce Dossier, à publier dans la prochaine édition du mois de Juin.