L’Habitat doit changer de paradigme

  • Une stratégie décisive pour relancer le secteur
  • Appel à adopter une approche éco-systémique du logement abordable
  • Le phénomène de l’expansion urbaine non maîtrisée pourrait compromettre tous les efforts

– L’Economiste: Quelles sont les insuffisances relevées par l’étude de la DEPF sur la politique de l’habitat?

– Rachida Aoulad Ali: La politique comporte des acquis importants, comme cela a été souligné précédemment, mais souffre aussi de quelques insuffisances. Celles-ci ont trait particulièrement au ciblage peu efficient des bénéficiaires du logement social, faute d’avoir instauré un critère d’éligibilité strictement axé sur le niveau de revenu. Il en est de même pour la répartition des programmes de logements sur le plan territorial, où la situation excédentaire de certaines régions contraste avec le déficit persistant en logement dans d’autres. A ces insuffisances, s’ajoute l’épineuse question de la qualité des logements produits, notamment la composante sociale, qui s’avère parfois en deçà des engagements convenus dans les cahiers des charges. Aussi, la politique de l’habitat ne s’est-elle pas accompagnée d’un développement du segment locatif, qui aurait permis de mettre sur le marché les logements vacants et de limiter la pression sur l’étalement urbain. Le développement embryonnaire de l’offre de logements destinée aux classes moyennes constitue également une faiblesse à redresser à brève échéance.

– Pourquoi l’offre destinée aux classes moyennes n’a pas marché?
– Effectivement, elle n’a pas rencontré le même succès que celui du logement social et ce, malgré la mise en place par les pouvoirs publics d’un dispositif d’encouragement en faveur du logement de moyen standing.
Mais, au-delà du cadre incitatif adossé à ce programme qui demeure relativement plus «jeune» que celui du logement social, plusieurs facteurs pourraient être à l’origine du faible engouement de la promotion immobilière privée pour ce segment, en dépit de la forte demande en partant de la rareté du foncier, particulièrement au niveau du centre des grandes agglomérations, à la qualité de l’offre au regard des exigences de cette catégorie de population, à la faible prise en compte des disparités des classes moyennes d’une région à l’autre… En tout cas, c’est un segment à fort potentiel auquel une attention particulière devrait être accordée, selon une approche partenariale, en s’appuyant sur une meilleure anticipation des changements actuels et des besoins futurs de cette catégorie sociale.

– Que recommandez-vous pour relancer le secteur?
– Au vu des avancées enregistrées et des insuffisances à résorber, une forte impulsion du secteur de l’habitat demeure tributaire d’un changement de paradigmes qui préside à la conception et la mise en œuvre de la politique publique dédiée à ce secteur. Au moins trois paramètres novateurs pourraient susciter l’inflexion positive recherchée. Il s’agit en particulier de l’adoption de la nouvelle approche éco-systémique du logement abordable, qui permet de fluidifier la chaîne de valeur de l’écosystème logement, la territorialisation accrue de la politique de l’habitat, pour tenir compte des besoins et des spécificités de chaque région, et le recours à des formes rénovées de partenariat public-privé. Non moins important, l’élargissement des perspectives de ce secteur serait intimement lié à la prise en compte des transformations structurelles qui se profilent à l’horizon en termes d’évolution démographique, qui impacterait autant l’offre que la nature de la demande de logements, sans oublier les impératifs d’adaptation aux effets inéluctables du changement climatique. La quête d’un développement urbain durable exigerait d’agir fermement sur l’empreinte carbone, en particulier, et l’empreinte écologique de façon générale.

– Comment repenser le développement urbain pour en finir avec l’expansion sauvage?
-Le phénomène de l’étalement urbain non maîtrisé pourrait compromettre de tels efforts. A ce titre, les dérogations urbanistiques sont souvent évoquées comme facteur explicatif de cette situation, vu qu’elles créent une discontinuité dans l’espace urbain et une atteinte à la qualité du cadre de vie dans nos villes.
Tout en veillant à la réglementation stricte de ces dérogations, certaines approches, qui ont fait leur preuve dans certains pays performants, pourraient s’avérer salutaires. Il s’agit, en l’occurrence, de la création d’un fonds ou d’une banque du foncier «Land bank» qui se chargera de la conversion des propriétés vacantes, abandonnées, ou en saisie de justice à des fins productives, ce qui est de nature à améliorer la disponibilité des assiettes foncières au sein de la ville.

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