Les valeurs immobilières suscitent la crainte des investisseurs en bourse.

Le recul des préventes et le manque de visibilité sur le segment social et intermédiaire alimentent les craintes. Le secteur devient très sensible aux rumeurs.

Les valeurs immobilières suscitent la crainte des investisseurs en bourse. Et cela se voit dans le comportement de leurs cours. Après une année 2017 euphorique et quelques séances haussières début 2018, Addoha, Alliances et Résidences Dar Saada se sont montrées très volatiles en clôturant plusieurs journées avec de fortes baisses. Au 30 janvier, leurs variations depuis le début de l’année s’établissaient respectivement à +1,3%, +1,4% et -8,5%. Selon des analystes, ces évolution et cette volatilité traduisent l’incertitude du marché quant aux perspectives de développement de ces entreprises.

Ce n’est un secret pour personne, le secteur immobilier traverse une mauvaise passe depuis quelques années déjà, avec un recul des mises en chantiers (-16% au 1er semestre 2017) et de la production (-9%) ainsi qu’une lenteur dans le processus de commercialisation. Une situation imputable, entre autres facteurs, à l’inadéquation du couple offre/demande solvable ; au resserrement des conditions administratives d’achat, particulièrement pour le segment économique suite à l’exigence d’un certificat de non propriété ; et à l’augmentation des frais de la conservation foncière induisant une disparition de la demande spéculative. Mais le signal qui a le plus bouleversé la place dernièrement est celui «de la baisse des préventes ces derniers années», à en croire un analyste de la place. Le niveau des préventes est le thermomètre des performances commerciales à venir d’un opérateur immobilier, puisqu’il donne une idée claire sur les ventes qui aboutiront sur les deux prochaines années. «Depuis 2014, les promoteurs sont plus prudents dans le sens où ils attendent d’atteindre un certain niveau de préventes avant d’entamer les travaux de construction d’un projet. Une démarche qui vise à éviter le gonflement des stocks d’invendus comme par le passé», explique l’analyste. Pour Addoha par exemple, le lancement de ses constructions est conditionné par un niveau de préventes d’environ 70%.

L’autre paramètre qui inquiète les investisseurs est celui de la récente sortie du ministre des finances pour annoncer le non-renouvellement, après 2020, des incitations fiscales mises en place pour le logement social et le refus d’instaurer des mesures incitatives en faveur du segment moyen standing. «Les principaux promoteurs étaient en négociation avec le gouvernement pour introduire un cadre fiscal attrayant pour le segment du moyen standing, mais ils ont essuyé un refus», explique l’analyste. Pourtant, ce segment est identifié comme le nouveau moteur de croissance pour les promoteurs, dans un contexte où le segment social montre des signes d’essoufflement. «Les opérateurs n’ont plus le choix que de se tourner vers l’Afrique et le moyen standing pour maintenir leur chiffres d’affaires à des niveaux semblables à ceux des dernières années», enchaîne notre analyste.

Au-delà de ces facteurs conjoncturels et sectoriels, les trois valeurs cotées composent avec des paramètres intrinsèques à leurs activités respectives.

Addoha : plus de cash mais moins de volumes

Les avis divergent sur cette valeur «dont le cours est particulièrement sensible aux rumeurs», confie le directeur du département analyses et recherches d’une société de bourse. Les inquiétudes de certains sont nourries en partie par l’essoufflement du social et le manque de visibilité dans ce segment. Une situation particulièrement alarmante pour le groupe Addoha puisque le social représente pas moins de 50% de son chiffre d’affaires. Ceci accentue le manque de visibilité par rapport à sa stratégie et donc à ses perspectives. En même temps, d’autres analystes voient d’un bon œil le succès du programme Plan Génération Cash (PGC) et le lancement de la nouvelle vision stratégique «Priorité au Cash 2020» (PAC 2020).

Pour rappel, le PGC a aboutit, à fin octobre 2017, au déstockage de plus de 9300 unités contre un stock initial de 15 000 unités (62% de l’objectif). Parallèlement, il a permis une collecte de cash de plus de 23,6 milliards de DH (91% de l’objectif).

Dans une logique de continuité de ce premier plan, le groupe a lancé le PAC 2020 via lequel il compte poursuivre ses efforts de désendettement, fixant le gearing (taux d’endettement) à 30% sur la période 2018-2020. «Ce nouveau plan a surpris plus d’un. En 2014, le groupe avait annoncé une réduction de la voilure qu’il a promis de rétablir en 2018. Sauf qu’au contraire, le PAC 2020 annonce des volumes moins importants», explique le directeur du département Analyse et recherche, avant de tempérer : «Ce n’est pas une mauvaise chose en soi puisque cela permet au groupe de mieux manager ses projets». Sur le plan fondamental, la situation est rassurante, la société compte maintenir le cap en continuant à générer du cash même si son activité va baisser. «Nous sommes passés d’une phase (avant 2012) où la place valorisait la croissance du marché immobilier même s’il détruisait du cash, à une autre caractérisée par une morosité du marché mais où les opérateurs commencent à générer du cash et à distribuer des dividendes», confie un professionnel du marché. Dans ce sens, le groupe Addoha a légèrement augmenté la rétribution de ses actionnaires durant ces 3 dernières années (passant de 1,80 DH/action à 2,40 DH en 2017).
Cela dit, «même si le groupe distribue plus de dividendes, le marché reste sceptique car il demeure attaché à la phase de croissance. Cette baisse de voilure lui fait peur et fait qu’il sanctionne le titre», martèle un autre analyste.

Résidences Dar Saada : le marché sanctionne la baisse des dividendes

«Les problème rencontrés par Addoha et Alliances en 2014 et 2015 sont traversés actuellement par RDS», explique un professionnel. Entre 2014 et 2016, l’activité de la société a été marquée par une forte croissance qui a consommé beaucoup de cash. Sur la période 2016 et 2017, le marché était plutôt baissier mais «RDS n’a pas inversé la machine. C’est ce que le marché sanctionne», enchaîne t-il. De fait, le marché est très attentif aux résultats mais également à la distribution de dividendes. Si les bons résultats étaient au rendez-vous, conformément à son business plan dévoilé à l’occasion de son introduction en bourse (à quelques millions de dirhams près), la distribution de dividendes, elle, n’a pas suivi car l’opérateur avait besoin d’un maximum de cash pour financer son activité. Depuis son introduction en 2014, RDS a distribué 6,40 DH puis 6,90 DH par action, avant de réduire cette rétribution à 3,26 DH au titre de 2016.

Par ailleurs, les analystes de BMCE Capital mettent l’accent sur le niveau de dettes que l’opérateur devrait surveiller (65,1% au 1er semestre 2017) ainsi que sur sa réserve foncière devenue de moindre qualité et devant impliquer l’achat de nouveau foncier et donc une pression sur le cash (ratio BFR/Chiffre d’Affaire de 2,8x au 1er semestre 2017 contre une moyenne sectorielle de 2,5x).

Aussi, à l’instar d’Addoha, le chiffre d’affaires de la filiale de Palmeraie Développement est formé à hauteur de 70% du segment social qui, comme expliqué plus haut, montre des signes d’essoufflement.
Outre ces raisons, certains analystes pensent que le titre de la valeur est fréquemment malmené «parce qu’elle paie les pots cassés de ses deux concurrentes». L’effet psychologique y serait pour beaucoup, selon eux.

Alliances : des perspectives opaques

Les analystes sont unanimes : un flou total règne autour de ce groupe qui communique de moins en moins depuis ces derniers temps. Les sociétés de bourse n’émettent plus de recommandations par rapport à la valeur, par manque de visibilité quant à ses perspectives.

N’empêche, «comme Addoha, Alliances est également orientée génération de cash. Sa situation financière est toujours difficile mais je pense que le plus dur est derrière elle. La faillite n’est plus d’actualité», confie un professionnel. Pour rappel, le directeur général d’Alliances, Ahmed Ammor, avait annoncé le 3 octobre, à l’occasion de la publication des résultats semestriels, que le groupe s’apprêtait à prendre un cap important marqué par plusieurs changements à l’horizon 2018, notamment un réaménagement interne de la gouvernance et une restructuration de la dette privée. Concernant l’endettement global du groupe, il a enregistré une nette baisse en passant de 8,5 milliards de DH en juin 2015 à 5,2 milliards en juin 2017, soit un recul de 39% sur 3 ans. A fin 2017, la dette nette devrait s’établir à 2,9 milliards de DH, et ce, après exécution des protocoles phase I et II de la dette privée pour la réduire de 4,5 milliards de DH en 2014 à 1,6 milliard à fin 2017. En termes de perspectives, le groupe table sur un chiffre d’affaires de 4 milliards en 2017 (vs 3,5 milliards à fin 2016) et de 4,2 milliards en 2018. Sur le même trend, le RNPG devrait s’établir à 151 MDH à fin 2017 (144 MDH en 2016) avant de grimper à 502 MDH en 2018. Des perspectives (trop ?) ambitieuses qui ne rassurent pas pour autant le marché financier.

Le déficit en logements toujours important
Le secteur immobilier recèle toujours un potentiel de développement important compte tenu d’un déficit en logements évalué par les autorités à près de 400 000 unités à fin 2016, augmenté des nouveaux besoins annuels estimés à 100000 unités découlant de la croissance démographique et de l’urbanisation. Le déficit en logements doit être réduit, selon les ambitions du gouvernement, de 50% à horizon 2021.

Le moyen standing, nouveau relais de croissance
Comme expliqué dans l’article, ce segment attire de plus en plus de promoteurs. Ils espéraient un cadre fiscal attrayant que le gouvernement a récemment rejeté. «Addoha est passée par deux ans de restructuration et n’était pas en mesure d’investir dans ce segment qui nécessite un foncier conséquent qu’elle ne possédait pas. Aujourd’hui, elle en mesure d’explorer ce segment-là», affirme un analyste. Résidences Dar Saada s’est également lancée dans ce créneau en lançant récemment deux nouveaux projets sous une marque dédiée, Palm Immobilier.

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