Les promoteurs immobiliers aux abois

Des laissés-pour-compte, des défaillances d’entreprises, des faillites en série, surendettement, cumul des agios, des pertes d’emplois, manque de visibilité… Les professionnels du bâtiment résidentiel sont dans le désarroi.

L’ensemble de l’écosystème (industries, entreprises, bureaux d’études et de contrôle, professionnels du bâtiment et de la construction, promoteurs, sociétés de tous corps d’état…) est en train de s’effondrer. Dans ce même contexte de morosité, le dispositif des logements sociaux a été suspendu depuis 2020, sans qu’aucune alternative ne soit mise en place depuis l’arrêt du programme il y a plus de 2 ans. De surcroît, il n’y a aucune offre ni dispositif adapté qui répond aux besoins spécifiques de la classe moyenne… Pis encore, cette situation de blocage s’est traduite par un attentisme des acquéreurs qui diffèrent sine die l’acte d’achat, dans l’espoir en vain de nouvelles incitations.

Résultat: Le secteur de l’immobilier enregistre une chute drastique des transactions. C’est la conséquence directe de la conjugaison de plusieurs facteurs: Une conjoncture difficile marquée par l’inflation, l’effondrement du pouvoir d’achat, le crédit immobilier de plus en plus cher… S’y ajoutent la flambée des prix des intrants et des matériaux de construction (acier, rond à béton, aluminium, verre, bois, carrelage, sanitaire…) ou encore la rareté et la cherté du foncier avec un prix du mètre carré qui bat des records dans de grandes villes comme Casablanca (jusqu’à 100.000 DH le mètre carré au quartier Racine!)

Invités au Club de L’Economiste, deux vice-présidents de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), Anice Benjelloun et Adil Bouhaja, tirent la sonnette d’alarme. Ils dressent un état des lieux inquiétant et analysent la situation complexe de l’un des écosystèmes stratégiques de l’économie nationale, qui contribue, rappelons-le, à hauteur de 15% au PIB national.

Principal constat: Les indicateurs sont alarmants! «Nous avons enregistré une baisse de 50% des dépôts de dossiers pour autorisation de construire. Ce qui s’est traduit par une baisse de 50% des mises en chantier. Parallèlement, les demandes de crédits bancaires pour la promotion immobilière ont chuté de 50%. Le tout sur fond de baisses substantielles des transactions», tient à préciser Adil Bouhaja, vice-président de la FNPI.

En plus de ces indicateurs au rouge, «il y a un véritable problème lié à la baisse du pouvoir d’achat qui a commencé avec le Covid et qui s’est accentué depuis 2022 avec la crise de la guerre en Ukraine et la flambée généralisée des prix, la hausse du coût de la vie…», explique Anice Benjelloun. D’autant plus que les banques ont durci les conditions d’octroi de crédits. «Les banques sont de plus en plus regardantes dans le financement et l’octroi de crédits aux acquéreurs», poursuit Benjelloun. De plus, compte tenu de l’inflation et de la hausse du taux d’intérêt, les risques de non remboursement sont élevés. Du coup, les banques révisent à la baisse les montants de crédits demandés, même pour les clients solvables qui remplissent les conditions. «L’augmentation des taux d’intérêt bancaires a entraîné l’octroi sélectif des crédits aux acquéreurs», relève la Fédération des promoteurs.

Evidemment, cette situation de blocage a eu des effets boule de neige. A titre d’exemple, la baisse de la production du ciment avec 10 à 11 millions de tonnes, alors que la capacité réelle est autour de 22 millions de tonnes.

Conseil de la concurrence

Face à l’envolée généralisée des prix des intrants, ou du moins la stabilisation haussière des coûts des matériaux de construction, la Fédération nationale des promoteurs immobiliers a transmis en mai 2022 une requête pour avoir un avis du Conseil de la concurrence, «sur les raisons effectives et globales de ces hausses réalisées par des activités et des secteurs quasi monopolistiques». Curieusement, à ce jour la FNPI n’a pas encore reçu de réponse. Cette requête de la FNPI est en fait une demande d’une analyse rigoureuse produit par produit des coûts et des raisons qui expliquent la hausse généralisée des prix des matériaux. A titre d’exemple, « la brique est passée de 1 DH à 1, 90 DH, le ciment a enregistré une hausse de 25%, le rond à béton est monté à 14- 15 DH contre un prix initial de 6,20 DH. Actuellement, il est redescendu autour de 10 voire 11 DH… Globalement, il y a 4 ou 5 matériaux qui sont à la base de la construction (ciment, brique, béton prêt à l’emploi, ciment…) que l’on doit analyser, produit par produit, pour expliquer les raisons de ces hausses vertigineuses», explique Anice Benjelloun, vice-président. L’enjeu de cette démarche est de «réguler le marché et éventuellement voir s’il n’y a pas une entente sous-jacente dans certaines activités et industries…».

Source : leconomiste.com

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