Filiale du Groupe CDG (60%) et CIH Bank (40%) créée en aout 2016, Ajarinvest a été créée dans la perspective de devenir une société de gestion (SDG) des organismes de placement collectifs immobiliers (OPCI). Un produit qui pourrait voir le jour avant la fin de l’année, et appelé à croître rapidement au Maroc, selon son directeur général Noreddine Tahiri.
Comment définiriez-vous les OPCI ?
Noreddine Tahiri : Concrètement, un OPCI c’est un fonds d’investissement qui reçoit l’argent des épargnants et des investisseurs et l’utilise pour acquérir des immeubles de bureaux, des centres commerciaux, ou même des murs d’usines. Ces organismes sont un outil d’investissement qui offre plusieurs avantages, notamment la sécurité de l’investissement, la transparence, une liquidité améliorée, la facilité de gestion et un cadre fiscal et comptable avantageux.
Ces actifs immobiliers sont loués, et le loyer est reversé aux épargnants, après déduction des charges, sous forme de dividendes. Il s’agit donc d’une détention indirecte de l’immobilier locatif. Les OPCI nécessitent généralement des sommes importantes pour pouvoir les acquérir, ce qui constitue une importante barrière à l’entrée pour ce type de placements. Pour un investisseur individuel ou un épargnant, l’OPCI donne donc la possibilité d’investir dans l’immobilier locatif professionnel, même avec des sommes limitées et tout en gardant la possibilité de se désengager totalement ou en partie à tout moment.
Pendant la durée de son investissement, l’investisseur bénéficie de l’effet de taille généré par l’OPCI qui permet d’investir dans des immeubles de grandes superficies et qui sont loués généralement à plusieurs locataires, ce qui permet aussi une mutualisation des risques. Il bénéficie également d’une gestion professionnelle et sécurisée qui optimise la rentabilité et veille à sa pérennité.
Pour quand est prévu leur lancement au Maroc ?
Les prérequis réglementaires nécessaires au lancement des OPCI sont quasiment finalisés par les services du Ministère de l’Economie et des Finances et de l’AMMC. Nous espérons que les premiers agréments des sociétés de gestion et d’OPCI pourront être accordés avant la fin de l’année 2018.
Comment l’OPCI est-il régi par la loi ?
L’OPCI est un produit assez connu de par le monde. En lançant les OPCI, le Maroc va intégrer un club de près d’une quarantaine de pays, dont des pays africains et arabes.
La loi exige que l’OPCI soit géré par une société de gestion spécialisée. Celle-ci doit préalablement avoir l’agrément de l’Etat pour l’exercice de cette activité. Elle est tenue juridiquement d’assurer une gestion transparente et professionnelle de l’OPCI.
Aussi, l’OPCI est régie par une réglementation stricte visant essentiellement la protection de l’épargnant. Elle exige, à cette fin, plusieurs dispositifs et mécanismes, dont notamment l’obligation pour l’OPCI de procéder de façon régulière à une valorisation de ses actifs immobiliers par des experts agréés par l’Etat, et l’obligation d’une communication régulière des principales données relatives à la situation financière et patrimoniale de l’OPCI.
Comment réagissent les acteurs économiques à l’arrivée de ce nouveau produit financier ?
Le premier constat que l’on peut faire au sujet des OPCI partout dans le monde, c’est qu’il s’agit d’un produit au succès promis. Deux chiffres pour l’illustrer. Premièrement, la taille globale des OPCI et des REIT – leur équivalent anglo-saxon – a atteint à fin 2016 un montant de 1 700 milliards de dollars. Deuxièmement, son évolution annuelle atteint un rythme moyen de 15% depuis 2010.
En France, par exemple, les OPCI ont été, depuis leur lancement, le véhicule financier qui a affiché la plus forte croissance, même si son démarrage en 2008 a coïncidé avec la crise financière. Sur une période de 10 ans, le rythme d’évolution moyen du marché des OPCI en France a été de 38%. Ce marché pèse aujourd’hui environ 80 milliards d’euros.
A priori, l’enthousiasme est donc justifié au Maroc. Il est également renforcé par plusieurs facteurs propres au marché national. Par exemple, la volonté de l’Etat de favoriser l’investissement, notamment industriel, le besoin exprimé par les principaux investisseurs institutionnels de développer leurs placements dans l’immobilier locatif dans un cadre sécurisé et transparent, le nombre limité d’alternatives de placements proposés au public, et finalement le lancement récent des activités de la finance participative dans lesquelles l’OPCI peut facilement trouver un champ de développement important.
Vous dites que l’OPCI va le développement des investissements industriels. Comment ?
Les OPCI assurent un rôle de désintermédiation financière. Ils offrent un outil efficace et souple pour le financement des investissements. Aujourd’hui, pour un investissement industriel, la quote-part de l’immobilier reste toujours très importante. Pour la financer, le schéma classique pour un opérateur est soit de recourir à la dette soit de mettre son capital.
Le schéma locatif permet à l’opérateur de libérer sa capacité d’investissement, en la dédiant exclusivement à son cœur de métier. La partie immobilière, quant-à-elle, est financée par un investisseur, l’OPCI en l’occurrence, qui aura droit au loyer qui sera payé par le fruit de l’exploitation de l’unité industrielle. C’est une très bonne illustration de la désintermédiation financière.
Ce schéma locatif est applicable dans d’autres domaines, pas seulement l’industrie. C’est le cas des sociétés de service, les établissements d’enseignement, les hôpitaux, etc. Certes, le schéma locatif n’est pas nouveau. Il est déjà pratiqué par plusieurs opérateurs. La valeur ajoutée de l’OPCI sera de rendre ce schéma beaucoup plus souple et performant pour les investisseurs et aussi de l’ouvrir au grand public de manière sécurisée.
Quelles sont les prévisions en matière d’OPCI pour l’économie nationale ?
Le ministère de l’Economie et des Finances a estimé le potentiel des OPCI au Maroc à 200 milliards de dirhams. Cela traduit les attentes exprimées par les pouvoirs publics concernant ce projet. Globalement, les OPCI sont appelés à offrir une nouvelle alternative de placement pour le marché financier national. Ils pourront s’ériger progressivement au rang d’une classe d’actifs à part entière, de la même façon dont on parle aujourd’hui des OPCVM. Certes, le chemin est long et rempli de challenges.
La création du marché des OPCI aura également pour conséquence de professionnaliser les métiers qui sont liés à l’immobilier locatif. En effet, les OPCI sont de nature à favoriser l’émergence d’un nouvel écosystème où interagissent des opérateurs d’asset management, des intermédiaires, des évaluateurs, des développeurs, etc. Ceci aura pour conséquence d’améliorer l’offre disponible en termes de qualité et de compétitivité et de mieux l’adapter aux besoins des opérateurs économiques.
Compte tenu de l’importance de l’immobilier pour l’ensemble des secteurs économiques, il est permis d’espérer que les OPCI sauront être un catalyseur de la croissance des entreprises nationales en libérant leurs capacités d’investissement et un facteur d’attractivité pour les entreprises étrangères.
Sans oublier que l’OPCI est un produit fortement apprécié à l’international. Son lancement au Maroc va certainement attirer des investisseurs étrangers qui connaissent déjà ce produit dans d’autres pays.
Quels sont les risques liés à l’investissement dans des OPCI ?
Les OPCI sont des véhicules qui détiennent essentiellement l’immobilier locatif. Les risques encourus par l’investisseur sont principalement la conséquence de cette vocation. Il s’agit essentiellement des risques liés à la vacance des actifs ou des risques liés à des loyers impayés.
A cet égard, les sociétés de gestion ont l’obligation de mettre en place des dispositifs appropriés de suivi et de gestion des risques, dans l’objectif premier de les neutraliser. Vous imaginez bien que les futurs gestionnaires seront très regardants quant à la qualité des locataires par exemple.
Quels liens peuvent être établis avec la finance participative naissante au Maroc ?
Le lien est assez naturel et intuitif. La principale source des revenus pour l’OPCI, ce sont les loyers. En règle générale, les loyers sont conformes aux préceptes de la chariaa. Cela dit, il s’agit du principe de base. Il y a un nombre de paramètres qu’il faudra clarifier pour qu’un OPCI soit éligible à la finance participative, mais le potentiel est là.
Le marché s’attend à ce que la réglementation offre plus de visibilité par rapport aux exigences de la mise en place d’OPCI conforme à la chariaa. D’ailleurs, le législateur a d’ores-et-déjà intégré les OPCI dans l’écosystème de la finance participative, puisque les OPCI peuvent, de par la loi, émettre des Sukuk et que les futures compagnies s’assurance Takaful peuvent investir dans des OPCI.
telquel.ma