Les atouts et les risques du crédit immobilier à trente ans et plus

Pénalisés par la réduction des aides publiques à l’achat, ceux qui achètent pour la première fois leur résidence principale empruntent sur des durées de plus en plus longues.

C’est la nouveauté de ce début d’année : le crédit immobilier à très long terme – entendez 30 ans, voire plus – revient sur le marché. Objectif : financer les primo-accédants, moins nombreux sur le marché immobilier cette année en raison de la réduction de certaines aides publiques. En effet, l’APL (aide personnalisée au logement) accession a été supprimée dans le neuf, tandis que le plafond du PTZ (prêt à taux zéro) et son périmètre ont été réduits depuis le 1er janvier.

« Les primo-accédants ne représentent plus que 45 % de notre production de crédits au premier trimestre, contre 60 % en 2017 », indique Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi. Pour aller chercher ces candidats à l’acquisition immobilière, les banques proposent donc des crédits de plus en plus longs, permettant de limiter le montant des mensualités. « La durée moyenne des crédits a progressé de 14 mois depuis 2014 et de 4 mois sur la dernière année pour atteindre 18,2 ans », expose Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision du groupe Xerfi. Et le phénomène devrait se poursuivre : « On va vers une généralisation des prêts à plus de 30 ans dans un contexte de lente remontée des taux des crédits, dans le sillage de celle de l’OAT (obligation assimilable du Trésor) 10 ans », estime ce dernier.

Un taux à 2,55 % sur 35 ans
Un établissement, le Crédit foncier et communal Alsace-Lorraine (CFCAL), propose même un crédit à 35 ans à 2,55 %. Cette filiale du Crédit mutuel Arkéa intervenant sur toute la France est spécialisée dans le rachat de crédits, mais a lancé cette offre en novembre 2017. Celle-ci s’adresse à la fois à des primo-accédants, des secondo-accédants et des investisseurs. « Ces derniers s’y intéressent, car l’allongement de la durée du crédit leur permet de préserver leur pouvoir d’achat en faisant diminuer les mensualités », précise Emmanuelle François, directrice générale du CFCAL. L’établissement ne finance à 35 ans que des biens en agglomération, afin d’assurer la liquidité en cas de revente. « Comme pour tous nos crédits au-delà de 25 ans, nous procédons systématiquement à une analyse du bien via un expert qui se déplace », ajoute Mme François.

Les autres établissements se limitent à des prêts à 30 ans. Et encore. « Toutes les banques nationales ne proposent pas de crédit à 30 ans. Lorsqu’elles le font, l’écart de taux avec le crédit à 25 ans est d’au minimum 0,50 % », précise Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux.com, qui constate un taux moyen de 2,30 % à 30 ans, contre 1,75 % à 25 ans et 1,55 % à 20 ans. Ce surcoût sur le taux d’intérêt se traduit mécaniquement par un renchérissement du coût total du crédit. Mais le très faible niveau des taux fait passer la pilule. « Rappelez-vous qu’en 2008 on empruntait sur 20 ans à 5 % ! Aujourd’hui, le bas niveau des taux de crédit permet de proposer du 30 ans à des conditions acceptables », explique Philippe Taboret.

Les établissements les plus à l’affût des primo-accédants proposent d’ailleurs des taux à 30 ans à peine supérieurs à ceux sur 25 ans. « Il y a trois ans, l’écart de taux entre les prêts sur 25 ans et ceux sur 30 ans s’élevait à 1 %. Ce surcoût était très élevé. Désormais, certaines banques limitent l’écart à 0,15 % : on peut emprunter à un taux compris entre 1,60 % et 1,80 % sur 25 ans, et entre 1,75 % et 2 % sur 30 ans », constate Sandrine Allonier, directrice des relations banques chez Vousfinancer. Raisonnable, ce surcoût permet à des particuliers qui ne seraient pas finançables sur une durée plus courte de devenir propriétaires.

Des prêts généralement remboursés par anticipation
Mais ce rêve a un prix : le coût total du crédit d’un emprunt de 130 000 euros sur 35 ans à 2,55 % ressort à 66 000 euros. Cependant, fort heureusement, la probabilité d’aller au terme de l’emprunt est faible : en moyenne, les prêts immobiliers sont remboursés par anticipation après sept à neuf ans, car le propriétaire revend son bien. Ce qui pose un autre problème en cas de revente rapide pour des raisons familiales (divorce, naissance d’un enfant) ou professionnelles.

Or, attention : les premières années, les mensualités sont principalement composées d’intérêts, et non de capital. Le capital restant dû reste donc relativement proche de la somme empruntée. Aucun problème en cas de revente rapide si le prix du bien a progressé. Mais, si le marché a baissé, c’est une autre histoire : le capital restant dû pourrait alors excéder la valeur de revente du bien. « Le risque est aujourd’hui limité, car nous sommes dans un marché haussier, mais il existe toujours pour les achats sans apport », rappelle Sandrine Allonier. Elle a calculé qu’un emprunt de 220 000 euros à 2 % sur 30 ans pour acheter un bien de 200 000 euros sans apport permet de supporter une baisse de la valeur du bien de 5 % sur 5 ans : dans ce cas, le bien sera revendu 190 000 euros, soit presque le niveau du capital restant dû (191 850 euros). L’emprunteur en sera donc de sa poche.

lemonde.fr

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