Impôts: Des milliers de propriétaires attendus au tournant

Les rapports bailleurs/locataires ne seront plus ce qu’ils étaient. La loi de finances 2019 a changé les règles du jeu. En effet, les locataires personnes morales (entreprises privées ou administrations) sont tenues de procéder à une retenue à la source sur le loyer qu’elles versent aux propriétaires personnes physiques. La mesure a été introduite dans la loi de finances 2019. Elle a pour objectif de lutter contre la fraude fiscale en matière de revenus fonciers.

Lors de leur traditionnelle rencontre, lundi 7 janvier, avec le staff de la Direction générale des impôts après l’entrée en vigueur de la loi de finances, les experts-comptables ont bombardé de questions les représentants de l’administration fiscale, à leur tête Khalid Zazou, directeur de la législation.

Elles traduisent les interrogations des contribuables au sujet des différentes mesures fiscales prévues par la loi de finances et qui seront précisées dans la circulaire des Impôts. En témoigne le nombre de personnes présentes à la conférence et qui sont restées jusqu’à la fin des débats.

■ La retenue à la source par le locataire est-elle obligatoire?
Les entités personnes morales sont tenues par la loi de retenir un pourcentage sur le loyer qu’elles versent à leur bailleur selon le barème annuel en vigueur. 10% lorsque le montant est inférieur ou égal à 120.000 DH par an et 15% au-delà.
Toutefois, le propriétaire peut demander à son locataire de ne pas ponctionner son loyer. Dans ce cas, il doit obligatoirement obtenir une «déclaration d’option» auprès des services des Impôts dont il relève avant et ce, avant le 1er mars. Ce document est nécessaire comme justificatif pour le locataire qui doit le présenter avec sa déclaration fiscale annuelle.

■ Les bailleurs tenus de s’identifier auprès du fisc
En demandant une déclaration d’option pour ne pas voir leur loyer ponctionné selon la grille en vigueur, les propriétaires devront s’identifier auprès du fisc. Ce qui sera lourd de conséquences. En effet, selon les chiffres officiels de l’administration fiscale, seuls  99.661 contribuent à l’IR sur les revenus fonciers. Un chiffre largement en dessous de la réalité. Ce qui veut dire que des milliers de propriétaires échappent au radar du fisc. Mais plus maintenant. L’article 232-III-15 du code général des impôts stipule clairement que pour les contribuables n’ayant pas procédé à une déclaration, les droits éludés, ainsi que les pénalités et les majorations, le délai de prescription est de dix ans. Il est donc clair qu’en raison de cette mesure, le nombre de contribuables inscrits à l’IR sur les revenus fonciers explosera, et les recettes avec.

■ Qui est concerné par la retenue à la source
Il s’agit de tous les locataires personnes morales publiques ou privées liées à des particuliers par un contrat de bail. Le nombre devrait se chiffrer par dizaines de milliers. L’on peut citer toutes les personnes qui louent une terrasse pour l’installation d’un relais de télécom, par exemple, à des sociétés de télécom. Il y en a dans les grandes villes comme dans le monde rural. D’ailleurs, les sociétés de télécoms ont déjà commencé à aviser leurs locataires. Les syndics d’immeubles sont également concernés par le paiement d’un impôt sur la société au titre de la location des terrasses aux sociétés de télécommunication ou leurs façades pour la publicité. Depuis le 1er janvier 2019, les syndics à l’image des autres associations, sont soumis à l’IS.

■ Que faire dans le cas d’un local resté vacant une partie de l’année
Le montant prélevé sur le loyer doit être déclaré sur la plateforme Simpl de l’administration fiscale et réglé le mois suivant le prélèvement. Au cours de la rencontre entre les experts-comptables et les responsables de la DGI, de nombreuses questions ont été posées sur des cas particuliers. Ainsi, lorsqu’un local est resté vacant pendant une partie de l’année, et dont le loyer a été ponctionné de la retenue à la source pendant une période, le propriétaire devrait se faire rembourser le trop-perçu vu que son revenu foncier n’atteindra pas le seuil de 120.000 DH, par exemple. Khalid Zazou renvoie à l’article 236 qui prévoit une mesure de restitution en cas de surtaxe. Que faire également en cas de changement de locataire? Le bailleur doit-il présenter une nouvelle déclaration d’option? En principe, il doit remettre au nouveau locataire une simple copie de la déclaration d’option s’il opte pour cette formule.
L’autre question que se posent les experts-comptables concerne le caractère irrévocable ou non de la déclaration d’option. En principe, le bailleur ne peut se raviser pendant un exercice. Pour les années suivantes, la circulaire devrait apporter les précisions nécessaires.

■ Que faire si le propriétaire tarde à choisir une option
Certains propriétaires pourraient ne remettre leur déclaration d’option à leurs locataires qu’à la fin du mois de février. Or, ces derniers doivent procéder à des prélèvements sur les loyers dès le mois de janvier sur une base mensuelle. Le paiement doit également s’effectuer à la même fréquence. La circulaire des Impôts doit préciser si dans ce cas, le locataire doit procéder à la retenue à la source et à son versement pour les mois en retard.

■ Particuliers à particuliers: Pas de changement
Les propriétaires particuliers qui louent un bien immeuble à un particulier ne sont pas concernés par la retenue à la source. Ils continueront à déposer leur déclaration fiscale annuelle selon les modalités habituelles.

■ Les fraudeurs piégés
Les personnes qui ont toujours loué des biens immeubles à des sociétés ou des administrations ne pourront plus se mettre à l’abri. Surtout que leurs locataires sont tenus de jouer le rôle de collecteur d’impôt pour le compte du Trésor. Pour cela, ils seront contrôlés par le fisc. Ces propriétaires verront donc leurs revenus fonciers diminuer. Certains seront tentés de réviser les conditions financières de leur bail pour compenser l’impôt. Ce qui risque de ne pas passer comme une lettre à la poste.

Des relations pas toujours au beau fixe

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L’institution d’un prélèvement d’impôt sur les loyers n’est pas du goût des propriétaires. Ces derniers sont obligés de s’identifier auprès du fisc et probablement être redressés au titre de l’ensemble des années non déclarées. Sur le terrain, les relations entre bailleurs et locataires ne sont pas toujours au beau fixe. Certains propriétaires attendent depuis longtemps le règlement de leurs litiges commerciaux par les tribunaux.  D’autres louent à une structure et se retrouvent face à plusieurs débiteurs. Les loyers ne sont toujours pas régulièrement réglés. Il est donc certain que la nouvelle disposition introduite par la loi de finances contribuera à refaçonner les relations bailleurs/locataires et changer les habitudes.

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