Lenteur des transactions, méventes, stagnation des prix, inadéquation offre/demande, perte de confiance, manque de qualité dans le social, clientèle MRE et étrangère en retrait, stock d’invendus… «Le marché de l’immobilier est aujourd’hui sinistré. Depuis 2017, la crise sévit de plein fouet dans le secteur. «Elle a été confirmée davantage par la baisse du volume des ventes en 2018», tient à préciser Mohamed Lahlou, président de l’Association marocaine des agents immobiliers (AMAI).
C’est dire que l’habitat est un secteur qui a besoin d’être réanimé d’urgence. A ce jour, malgré le plan de relance annoncé par le ministère de tutelle et la redynamisation du Conseil national de l’habitat, les choses évoluent lentement. Ce qui accentue davantage le marasme.
Selon les dernières données fournies par la DPEF, «le secteur de l’immobilier a entamé ces dernières années une baisse impressionnante qui s’est confirmée par une chute de 51% de la production depuis 2011 ainsi qu’une baisse des mises en chantier». Ce repli est attribué à une régression de la production de logements sociaux qui est observée depuis 2015 car ce programme a atteint sa maturité.
De son côté, la construction a baissé en 2018. En attestent les volumes du ciment écoulés sur le marché qui ont atteint à peine 13,3 millions de tonnes en recul de 3,66%, soit le plus bas niveau depuis 2006. Certes, les ventes de décembre et de janvier ont ravivé les espoirs, mais les opérateurs restent prudents.
«La demande ne suit pas. Il y a une crise de confiance entre le promoteur et le client. De plus, la hausse du coût de la vie a impacté les finances de la population qui ne peut plus constituer un apport personnel vu que les banques ne financent plus la totalité des frais d’acquisition», explique un promoteur immobilier.
2018 a été également marquée par le ralentissement de la progression des crédits à l’immobilier. Selon le ministère des Finances, l’encours des crédits à l’immobilier a augmenté de 3,6% à 267 milliards de DH, après un accroissement de 4,4% un an plus tôt.
Cette dynamique recouvre une accélération notable de la croissance de l’encours des crédits alloués à l’habitat (+5,6% au lieu de +3,8% à fin 2017) et un retrait de l’encours des crédits accordés à la promotion immobilière de 3,5%, après +8,3% il y a une année. Dans le cadre de Damane Assakane, 167.337 ménages ont bénéficie du programme Fogarim à hauteur de 26,24 milliards de DH.
Les crédits accordés ont totalisé 11.307 contre 11.817 prêts à fin 2017, accusant un recul de 4,32%. Pour ce qui est du Fogaloge, 42.754 familles se sont vu octroyer 5.642 prêts totalisant 12,13 milliards de DH, en hausse de 10,22% à fin décembre 2018 comparé à la même période, un an auparavant. C’est ce qui ressort des dernières statistiques du ministère de l’Habitat.
Le marché est ainsi en pleine léthargie. Que ce soit à Casablanca, Rabat, Tanger, Marrakech, Agadir et encore davantage Fès et Meknès, la crise est bel et bien installée. A contrario, Kénitra tire son épingle du jeu.
En offrant des appartements à des prix de 5.000 DH/m², les promoteurs résistent à la crise. Se situant à proximité de Rabat et de la zone industrielle Kénitra Automotive City, cette ville offre une alternative à la saturation du foncier et à la cherté des biens immobiliers dans la capitale. De plus, elle constitue un bon cadre de vie à la classe moyenne de la région.
Autre constat, la difficile commercialisation des grands programmes. «Les petits projets neufs en R+5 s’écoulent beaucoup plus vite. En revanche, les grands projets ne se vendent plus comme avant. Il y a eu des déceptions, des problèmes, des contentieux… Les clients ont peur d’acheter sur plan», confie Mohamed Lahlou. D’ailleurs, les stocks d’invendus sont tellement importants que l’achat sur plan se fait de plus en plus rare à l’exception de quelques produits de niche.
Côté prix, une baisse accentuée a été enregistrée à Fès et Meknès. Au niveau des autres villes, les prix stagnent pour les biens moyen standing. Le luxe affiche également des corrections de prix. «Nous étions obligés de revoir notre positionnement et de proposer des prix abordables à notre cible», argumente un opérateur.
En cette période de crise, les promoteurs proposent de plus en plus des lotissements à la clientèle. «Ce produit est un grand générateur de cash. Ce qui est une aubaine pour les entreprises de promotion immobilière», soutient un opérateur.
Sur le volet fiscalité, la loi de finances 2019 n’a adopté aucune mesure proposée par les professionnels pour redynamiser le secteur. Mais ces derniers ne baissent pas pour autant les bras et misent sur les prochaines assises de la fiscalité pour présenter leurs doléances.
Selon le ministère des Finances, le secteur immobilier a bénéficié de 25,4% des dépenses fiscales évaluées au titre de l’année 2017, pour un montant de 8,48 milliards de DH contre 7,65 milliards de DH en 2016, soit une hausse de 10,8%. A fin 2018, les recettes de l’IR sur les profits immobiliers ont augmenté de 3,1% s’élevant à 4,2 milliards de DH.