« J’étais assez optimiste pour 2017… Je suis déjà très optimiste pour 2018 ! » s’exclame Alexander Kraft, président de Sotheby’s International Realty. À fin février, son réseau immobilier de luxe a réalisé plus de 300 millions d’euros de ventes sous compromis, dont cinq propriétés autour de 20 millions d’euros chacune. Les achats de biens haut de gamme s’enchaînent, tant à Paris qu’en province. « Depuis trois mois, nous vendons un appartement toutes les deux heures et demie, confirme Charles-Marie Jottras, président du groupe Daniel Féau-Belles demeures de France. Par rapport aux deux premiers mois de ces cinq dernières années, c’est une progression de 150 à 250 %. » Le marché est en proie à une véritable frénésie : « Sur janvier et février, nous avons déjà effectué douze ventes éclair, c’est-à-dire en moins de quarante-huit heures chrono », renchérit Thibaut de Saint-Vincent, patron du groupe Barnes. Ces chiffres donnent le tournis et témoignent de la consolidation de l’immobilier de luxe depuis fin 2016, après plusieurs années difficiles consécutives aux crises financières qui se sont succédé depuis 2008.
Plusieurs facteurs contigus expliquent ce phénomène. En toile de fond, des taux de crédit immobilier toujours au plancher et un accès à l’emprunt assez aisé, les banques étant toujours à la recherche de nouveaux clients. Ensuite, les stocks de biens à vendre étaient importants, pesant sur les prix demandés à la baisse. Depuis les années noires de 2013-2015, les valeurs ont chuté de 15 à 30 % selon les biens et les zones géographiques. Mais surtout, l’ambiance a changé depuis la dernière élection présidentielle. « L’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir a ranimé la demande des acquéreurs étrangers et se conjugue avec l’effet Brexit », explique Laurent Demeure, président du groupe Coldwell Banker. Du choix, des prix et de l’enthousiasme… Le cocktail agit comme une potion magique.
Qu’il s’agisse d’une résidence principale ou secondaire, d’une maison de famille ou d’un pied-à-terre, tous les biens sont susceptibles de trouver preneur. « Les acquéreurs sont aussi bien français qu’étrangers, et on assiste notamment au retour des Américains », indique David Scheffler, président France du réseau Engel & Völkers. Sans compter les Européens du Nord et de l’Est, les Chinois ou les Moyen-Orientaux… Dans les traditionnels beaux quartiers parisiens et la première couronne, prisés des cadres, « les appartements familiaux bourgeois, avec un séjour double et trois chambres autour de 150 m2, pour un budget compris entre 1 et 2 millions d’euros, peuvent être cédés en quelques heures, car ils sont aussi bien demandés par les familles en quête d’agrandissement que les expatriés de Londres ou de Singapour, ou les résidents français à l’étranger », note Charles-Marie Jottras. Longtemps délaissées, même les grandes surfaces haussmanniennes de 200 à 300 m2 du 16e arrondissement, souvent à rénover, sont repassées au-dessus du seuil des 8 000 euros/m2.
« Hôtels particuliers, vastes appartements de prestige avec bonus (terrasse, vue sur un monument, etc.), le marché parisien du très haut de gamme s’est réveillé et de belles affaires s’y concluent entre 4 et 10 millions d’euros », poursuit Roger Abecassis, président du groupe Consultants Immobilier. L’effervescence est aussi de mise dans les Hauts-de-Seine plus verdoyants, à Neuilly-sur-Seine, Boulogne-Billancourt (au nord, près du bois), Saint-Cloud, Garches ou Vaucresson, ou dans les Yvelines, à Saint-Germain-en-Laye et au Vésinet. Là, « le Lycée international de Saint-Germain, la British School de Croissy, l’école Malherbe du Vésinet et des écoles Montessori attirent une large clientèle internationale de consultants et de diplomates », remarque Laurent Demeure. La province aussi est gagnée par la contagion : « Les Parisiens recherchent de nouveau des résidences secondaires pour en faire de belles maisons de famille, analyse Alexander Kraft. Dans certaines régions, il y a beaucoup de stocks de biens à vendre avec des prix inférieurs de 30 à 40 % par rapport au pic précédent. »
Allemands, Néerlandais, Scandinaves ou Suisses arpentent par exemple le Luberon à la recherche de bonnes affaires autour du million d’euros. « Nice, Cannes, Menton ou Saint-Jean-Cap-Ferrat profitent d’une forte attractivité, liée à un véritable dynamisme économique et culturel qui alimente la demande pour les villas de charme dont les prix se situent entre 800 000 E et 2,5 millions », se réjouit Marie-Claire Sangouard, directrice générale de l’agence Engel & Völkers Côte d’Azur. À Saint-Tropez aussi, « les ventes sont reparties à la hausse ces derniers mois, même si le marché reste encore favorable aux acquéreurs, qui disposent d’un large choix », nuance Giorgio Imparato, directeur de l’agence Barnes Saint-Tropez.
D’autres misent sur la façade atlantique, qui offre une très large palette pour tous les goûts. À côté des embruns bretons pourtant très recherchés, certains mettent le cap sur le bassin d’Arcachon ou optent pour le charme plus discret du Pays basque. À Biarritz et ses environs, le marché avait atteint le fond du gouffre en 2013. « Les ventes ont bondi de 50 % et les prix de 10 % l’an dernier », affirme Philippe Thomine-Desmazures, directeur associé de l’agence Barnes Côte basque. Les belles demeures traditionnelles attirent de nombreux Franciliens prêts à débourser entre 1 et 1,2 million d’euros pour une maison de ville qui pourra devenir, la retraite venue, leur nouvelle résidence principale. À noter que les usages évoluent : « Les propriétaires n’hésitent plus à louer en location saisonnière leur résidence secondaire, occupée seulement 10 à 20 % du temps sinon », précise David Scheffler.
Ce qui s’est vendu en Ile-de-France
Boulogne-Billancourt
– Centre, maison d’architecte récente, 250 m2 , 4 ch., patio, asc., double pkg, 2 ME.
Neuilly-sur-Seine
– Saint-James, duplex, 150 m2 , derniers étages, terrasse 40 m2 , pkg, 1,97 ME (13 150 E/m2 ).
– Bois, voie privée, maison 300 m2 , jardin 160 m2 , 3,2 ME.
Rueil-Malmaison
-Parc privé de la Malmaison, maison Mansart, 300 m2 , 6 ch. sur 2 niveaux, terrasse de 70 m2 , terrain de 2 300 m2 , cave, garage, 2 ME.
Vaucresson
– Golf de Saint-Cloud, maison bourgeoise sur 3 niveaux, 11 pièces, parc arboré, belle hauteur sous plafond, 2 ME.
– Golf de Saint-Cloud, maison, 500 m2 , 14 pièces, travaux, terrain de 3 700 m2 , + maison d’amis et maison de gardien, 5 ME. Versailles
– Saint-Louis, imm. XIXe , 5-pièces, 126 m2 , 3 ch., 1er étage, triple exposition, parquet, boiseries, moulures, cheminées, pkg, cave, 930 000 E.
– Notre-Dame, place Hoche, 6-pièces, 252 m2 , 2e ét., sans asc., travaux, 1,46 ME.
Sources : Barnes, Daniel Féau, Guy Hoquet, L’Adresse, Sotheby’s IR.