Immobilier au Maroc. Le secteur en mauvaise passe

Flambée des prix et pénurie de certains matériaux de construction, hausse des coûts de production, chute drastique des transactions…les temps sont durs pour le secteur immobilier. Analyse des experts.

«L’immobilier va mal. Très mal. On note un ralentissement net de l’activité voire même l’arrêt de plusieurs chantiers à cause de non seulement l’augmentation vertigineuse des prix constatés sur le marché depuis plus d’un an mais aussi et surtout la pénurie de certains matériaux de construction comme les fils électriques, le verre… », résume le vice président de la fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI), Anice Benjelloun.

L’expert en immobilier, William Simoncelli partage le même constat. Il ajoute par ailleurs que l’envolée des prix des matériaux engendre une augmentation des coûts de production variant entre 25% et 35%. « L’impact est donc tellement significatif que plusieurs promoteurs sont obligés de vendre aujourd’hui, sans marges au moment où ils pouvaient gagner avant entre 25 et 40% selon le type des projets », souligne le même spécialiste.

Revoir les prix à la hausse

Pour Benjelloun, tous les segments sont touchés. Mais le coup pour le social serait encore plus dur vu que les prix restent réglementés. «Si la situation perdure, les promoteurs ne pourront plus produire. Et s’ils le font, ils seront obligés de revoir les prix de vente à la hausse. Ce qui risque de porter atteinte aux consommateurs dont le pouvoir d’achat est déjà en berne », alerte l’expert.

En effet, le marché est en souffrance depuis plus de trois ans. Crise sanitaire, pouvoir d’achat limité, ralentissement du rythme de commercialisation, autant de contraintes pour le secteur.

Bank Al Maghrib indique que l’indice sectoriel de l’immobilier en mars 2022 est en recul de 23%.

«Le secteur est en mauvaise passe. Les promoteurs sont obligés d’augmenter leur prix au moment où le consommateur s’attend à une baisse ou une stagnation. Aucune visibilité sur la période à venir. Et les prochains mois seront décisifs », prévient Simoncelli.

Aucune mesure pour le privé

Afin de soulager les trésoreries des entreprises su secteur du BTP et leur permettre de sauvegarder les emplois et de poursuivre leurs activités, le gouvernement a mis en place un certain nombre de mesures dont la révision des délais d’exécution des marchés en cours et des index des prix appliqués aux marchés de travaux. Or, pour Benjelloun cela ne concerne que le secteur public. «Non seulement ces mesures ne sont pas clairement définies, mais s’adressent surtout au secteur public. Rien n’est prévu pour la promotion privée qui représente entre 70 et 80% de l’activité du BTP », regrette-t-il.

Agir en urgence

« Hier, avec un ami, nous sommes partis faire des courses dans un hyper marché. Avant d’y entrer, dans le parking, nous avons juré tous les deux sur le Coran de n’acheter que l’essentiel et de ne pas céder à la tentation du superflu. C’était le…

Pour s’en sortir, le vice président de la FNPI propose d’agir en urgence par le recours à un rééchelonnement des marchés qu’ils soient publics ou privés avec une prolongation des délais pour les logements sociaux d’au moins 6 à 12 mois et l’adoption d’un moratoire sur les intérêts bancaires. Aussi, l’expert préconise un report des échéances bancaires et appelle l’Etat à procéder à des investigations sur le marché de la production des principaux matériaux de construction pour comprendre les raisons des augmentations des prix et déceler toute forme d’anomalie ou d’éventuelle entente entre les producteurs. «L’Etat a son rôle régulateur à jouer à ce niveau », insiste Benjelloun. Et pour encourager l’acte achat, il recommande également de réduire considérablement les droits d’enregistrement et de conservation foncière exigés.

Simoncelli est de son côté convaincu qu’il faudra chercher pour le moment les gisements de création de valeur dans le secteur. Pour lui, le marché de seconde main pourrait profiter de la situation. «C’est une opportunité à saisir en se focalisant sur la rénovation de tous ces logements vacants et abandonnés et leur apporter le niveau et les standards nécessaires pour intéresser les consommateurs. Refaire un bâtiment qui a déjà la structure s’avère moins coûteux aujourd’hui que de construire », explique-t-il.

Un autre segment qui pourrait aussi générer de la croissance : la location. «Pour ceux dont les budgets sont en berne, il y a l’alternative de la location. Les jeunes sortent d’une période où ils ne savent pas trop à une période où ils ne savent plus du tout et ce problème de manque de visibilité les pousse à arbitrer pour une solution plus simple, la location, le temps d’y voir plus clair », conclut Simoncelli.

Source : lobservateur.info

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