Fiscalité Immobilière : discorde entre les promoteurs et la Conservation foncière

EN PLUS DU COÛT DU FONCIER ET DES MATIÈRES DE BASE, LES PROMOTEURS DÉSAPPROUVENT LES TAXES PAYÉES EN FAVEUR DE LA CONSERVATION FONCIÈRE. ILS ESTIMENT QUE LA HAUSSE DE CES DROITS EST UNE DES CAUSES DU NIVEAU DES PRIX DU LOGEMENT N L’AGENCE FONCIÈRE DÉFEND LA LÉGALITÉ DES DÉCISIONS PORTANT SUR LA FISCALITÉ.

Le niveau des prix des biens immobiliers sont justifiés aux yeux des promoteurs immobiliers. qui assurent que le coût de revient du logement s’est alourdi en raison de changements réglementaires, économiques ou autres. A les en croire, nombre d’éléments dont le coût est incompressible rentrent dans la composition du prix d’un projet, à commencer par le foncier. Tous se plaignent de la rareté du foncier, surtout à Casablanca et Rabat où le prix d’acquisition peut représenter jusqu’à 60% du coût global d’un projet. Ensuite, le renchérissement du prix des matières de base (ciment, sable, brique, fer à béton…) a fortement contribué à la hausse des prix de vente.

Hormis ces deux facteurs, c’est le cumul des impôts et taxes qui pèse lourd sur le promoteur …ou plutôt le client final. La taxe sur les terrains non bâtis (TTNB) est parmi les exemples décriés par ces professionnels. «En voulant faire face aux spéculateurs, le législateur a alourdi le bilan des promoteurs honnêtes, qui sont censés constituer une réserve foncière pour leurs projets», disent-ils. Un autre exemple contesté par les promoteurs est lié à la batterie de taxes imposée par la conservation foncière, depuis l’acquisition du terrain jusqu’à l’éclatement des titres. «Il y en a tellement et à chaque étape que l’ANCFCC est devenue le premier contributeur aux recettes de l’Etat», ironise la FNPI. D’ailleurs, à fin 2018, le montant versé par l’agence au titre des recettes des monopoles et participations attribuable a atteint 3milliards de DH, dépassant même l’OCP qui a versé 2 milliards de DH ou encore Maroc Telecom qui en est à 1,45 milliard.

Les droits de la conservation foncière ont augmenté de moitié depuis début 2016

En allant dans le détail des taxes, 1,5% est lié aux droits de la conservation foncière, et ce, dès l’acquisition du terrain, en hausse de 50% depuis début 2016. Les promoteurs jugent cette augmentation excessive, surtout dans un contexte de marasme. Elle n’avait pas lieu d’être, selon la FNPI qui suggère que la conservation foncière introduise des mesures encourageantes, pour donner l’exemple aux autres parties prenantes de ce secteur.

«Les difficultés dont souffre le secteur de l’immobilier ont été constatées bien avant la date d’entrée en vigueur du décret relatif au tarif des droits de conservation foncière et elles sont liées à plusieurs facteurs autres que ceux afférents à la révision dudit tarif», rétorque Bouchaib Chahi, directeur de la conservation foncière. «L’augmentation de 0,5 point, opérée début 2016, n’a concerné que les formalités dont l’inscription sur les livres fonciers nécessite la perception d’un droit ad valorem. Le taux de 1% en vigueur avant l’adoption du décret n°2.16.375 du 18 juillet 2016 fixant le tarif des droits de conservation foncière tel qu’il a été modifié n’a connu aucun changement depuis le 12 août 1963, il y a un demi-siècle», ajoute M.Chahi. Dans le même temps, «plusieurs réductions ont été adoptées au profit de l’usager, tel que 1% au lieu de 1,5% et 2% pour l’enrôlement des réquisitions d’immatriculation ordinaires, 0,5% au lieu de 0,75% et 1% pour l’enrôlement des réquisitions d’immatriculation dans le cadre de l’article 16 du dahir sur l’immatriculation foncière, et 0,5% au lieu de 1% et 0,75% pour les hypothèques dont les montants sont inférieurs à 250 000 DH, sachant que les bénéficiaires de ces crédits hypothécaires font partie généralement des acquéreurs des logements sociaux», signale-t-il.

Visiblement insuffisant pour calmer les promoteurs qui précisent verser une taxe supplémentaire de 1% relative à la mise en concordance. «Cette taxe est calculée sur la base de la valeur réelle du bien construit. Or celle-ci intègre déjà la valeur du terrain sur lequel la taxe de 1,5% a été versée préalablement», explique la FNPI. Une double taxation donc que les professionnels déplorent.

En retour, M. Chahi explique qu’il ne s’agit pas d’une double taxation «étant donné que la liquidation et la perception des droits de conservation foncière s’opère sur la base de la séparation des formalités (ventes, donations, divisions, mise en concordance du plan foncier avec l’état des lieux…) tel que prévues par les dispositions juridiques régissant les modalités de calcul des droits de conservation foncière et notamment l’article 30 du décret n° 2.13.18 du 14 juillet 2014 relatif aux formalités de l’immatriculation foncière»…

Divergence sur l’estimation de la valeur vénale des biens

Autre point de discorde, les promoteurs doivent s’acquitter d’une taxe de 1,5% pour l’éclatement des titres et l’obtention des titres parcellaires. «Cela se fait sur la base d’une estimation de l’agence comprenant la valeur du bien construit, incluant le prix du terrain, le coût de revient de la construction ainsi que la marge du promoteur», regrette la FNPI. Pour la profession, cela revient à verser un dû sur deux autres taxes déjà payés, et cela sur la base d’estimations inadaptées à la réalité du marché, encore moins au référentiel des prix. «Ces prix de référence ont été retenus après étude approfondie et distraction des données des bases que l’agence détient, telles que précisées par l’article 30 du décret n° 2-13-18 du 16 Ramadan 1435 (14 juillet 2014) relatif aux formalités de l’immatriculation foncière. Le référentiel permet aux usagers de disposer du même niveau d’information que l’administration», explique le directeur de la conservation foncière.

Par ailleurs, l’agence précise que l’élaboration du guide des valeurs vénales se fait sur la base de la moyenne des prix en vigueur dans la zone où se situe l’immeuble concerné. Ces informations sont extraites à partir des actes de cessions inscrites sur les livres fonciers et contenues dans la base des données foncières de l’agence, suite aux enquêtes effectuées sur les lieux par les services de l’agence, le cas échéant.

Il convient de souligner aussi que l’agence procède régulièrement à la révision du guide des valeurs vénales, chaque fois qu’il y a des changements, sans oublier la possibilité pour les usagers qui s’estiment lésés de formuler des doléances auprès de ses services concernés en vue de procéder à la révision de la valeur marchande de l’immeuble en question dans des cas dûment justifiés ou lorsqu’il s’avère que cette valeur est non conforme à la moyenne des prix en vigueur.

Ce bras de fer entre l’ANCFCC et les promoteurs ne date pas d’hier. La FNPI compte proposer une grille tarifaire pour la mise en concordance des différents standings. Ce pas apportera-t-il pour autant un apaisement dans les relations promoteurs-conservation foncière ?

L’ANCFCC s’est engagé dans un plan d’investissement qui a nécessité le renforcement de ses moyens financiers. D’où la révision tarifaire des droits de la conservation foncière à 1,5%. En effet, l’agence réalise, chaque année, des investissements importants en matière d’immatriculation foncière d’ensemble, destinés au monde rural. Cet effort a donné lieu, ces 10 dernières années, à l’ouverture de 254 secteurs d’immatriculation foncière d’ensemble (IFE) pour une enveloppe budgétaire dépassant les 600 MDH par an.
«On parle souvent de coûts des prestations de l’agence sans jamais évoquer ce qu’elle ne facture pas, notamment la gratuité des secteurs d’immatriculation foncière d’ensemble destinée au monde rural. Il convient également de rappeler à tous, qu’aussi bien les promoteurs que les citoyens concernés bénéficient d’une pleine gratuité dans les projets immobiliers à caractère social, qui génèrent des coûts colossaux pour l’ANCFCC», tient à souligner Bouchaib Chahi, directeur de la conservation foncière.
De même, la dématérialisation des procédures dans laquelle l’agence s’est engagée requiert un investissement conséquent. «La dynamique et l’évolution des services extérieurs de l’agence s’inscrivent donc dans une approche basée sur la consolidation de la décentralisation et de la déconcentration administratives avec comme moyen la création de plusieurs blocs fonciers (conservation foncière et cadastre), qui sont aujourd’hui de l’ordre de 78 blocs fonciers avec l’ouverture prochainement de deux conservations foncières (Mediouna et Azemmour). A noter également le nombre des salariés de l’agence qui s’élève à 5088 agents», souligne M.Chahi.

Faisons l’exercice de calculer l’ensemble des impôts, taxes et honoraires que paie le promoteur et l’acquéreur. A l’achat du terrain,le promoteur verse 4% des droits d’enregistrement ; 1,5% des droits de la conservation foncière et 1,5% au titre de l’hypothèque si l’acquisition du terrain est réalisée à travers un financement bancaire. A la construction, il paie 1% pour la mise en concordance, 1,5% sur la valeur de chaque appartement et 1% (généralement) pour le notaire avec un minimum de perception de 2500 DH HT (TVA de 10%).
Place à l’acquéreur. Ce dernier s’acquitte des mêmes droits que le promoteur, à savoir 4% pour l’enregistrement, 1,5% pour la conservation foncière, en plus de 150 DH et 1,5% pour l’hypothèque. En outre, il verse entre 0,5% et 1% HT au titre des honoraires du notaire avec un minimum de perception de 3000 DH et des frais de timbre de 1000 à 1500 DH.

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