Révision du référentiel des prix, abrogation de l’article 2 du Code des droits réels, réglementation de la société civile immobilière… Le marché immobilier demeure tributaire de plusieurs chantiers juridiques qui permettront de rétablir la confiance, préalable à tout redémarrage.
Au-delà des questions purement économiques et financières, le marché immobilier reste tributaire de la sécurité juridique des transactions. Un dossier loin d’être totalement classé et qui n’est pas sans jouer sur la confiance des investisseurs autant que des particuliers acquéreurs. L’ensemble du marché requiert ainsi une abolition de l’article 2 de la loi sur le Code des droits réels, qui protège les acquéreurs de bonne foi au profit des possédants initiaux, ce qui favorise le phénomène de spoliation immobilière mais que l’Exécutif hésite à modifier car «la bonne foi est un principe essentiel du droit et il ne s’agit pas de protéger un spolié pour en créer un autre» selon une source au sein du ministère.
Pourtant la jurisprudence de la Cour de cassation a brisé ce principe en protégeant le propriétaire initial si un faux était à l’origine de la vente. «Mais une modification brutale de ce texte pourrait avoir un impact négatif sur le climat des affaires, car cela pourrait être rédhibitoire à l’investissement», continue-t-il au cours d’une longue diatribe. Me Abdellatif Yagou a quant à lui proposé la mise en place «d’un fonds d’indemnisation pour les acheteurs de bonne foi», qui permettrait ainsi aux propriétaires initiaux d’engager des actions en restitution sans pour autant léser d’autres intérêts. Pour cela, le ministère de la Justice a déposé son projet de loi encadrant ce type de structures auprès du Secrétariat général du gouvernement. Le texte, qui modifie et complète l’article 987 du Dahir des obligations et des contrats veut ainsi intégrer les SCI dans le champ d’application du Code de commerce, notamment en matière d’inscription aux registres, sans pour autant en présumer le caractère commercial au même titre que les groupements d’intérêts économiques. Un verrouillage qui permettra ainsi d’appliquer l’obligation de transformation en sociétés commerciales dès lors que l’entreprise effectue des marges dans des transactions immobilières. Il faut qu’en matière de spoliation, si les auteurs, les intervenants et les modalités diffèrent, il y ait un point commun à plusieurs affaires : la SCI. Un statut juridique spécial qui permet à une personne ou à un ensemble de personnes de détenir un patrimoine immobilier via une structure distincte. «Néanmoins, la réglementation de la SCI demeure beaucoup trop légère et ne permet pas un suivi et une traçabilité de ses opérations», explique Me Abdellatif Yagou, notaire à Casablanca. En effet, contrairement aux S.A et aux autres types de sociétés (SARL, SNC…), elle ne dispose d’aucune loi propre. Ses deux seules bases juridiques sont l’article 982 du Code des obligations et des contrats régissant le contrat de société, qui en réalité s’applique à toutes les formes de sociétés et la fameuse circulaire 717 du Code général des impôts définissant la société civile comme «n’ayant pas de caractère commercial». Lors de sa constitution, cette société n’est pas soumise aux formalités de dépôt et de publicité, n’est pas tenue de s’inscrire au registre de commerce ni de tenir des livres de commerce et de facto, elle ne peut être mise en faillite. Les praticiens contactés de tous bords : notaires, promoteurs, agents immobiliers et conservateurs, s’accordent à dire que le sort du marché repose sur la publication d’un «référentiel harmonisé entre tous les intervenants. En effet, le cadastre, pôle chargé du côté technique au niveau de l’ANCFCC, dispose d’un référentiel à part. Un véritable imbroglio est né de cette bipolarité réglementaire. «Le but de cette révision est avant de tout mettre en place un référentiel harmonisé afin que fisc et la conservation foncière puissent travailler sur la même base», explique-t-on du côté de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers. Le référentiel de la DGI, lancé le 27 janvier dernier, détermine un prix au mètre carré de référence fixé par zones urbaines, elles-mêmes regroupées en arrondissements, préfectures d’arrondissement, municipalités et blocs.
Au total, 257 zones ont été délimitées pour le Grand Casablanca, réparties en 4 blocs (Casa Centre, Casa Nord, Casa Sud et Casa Est) sauf que la taille des zones actuelles, composées en moyenne d’une cinquantaine de rues chacune, limite le niveau d’interprétation et de finesse des données publiées. Ces prix de référence sont fixés par type de bien allant de l’appartement aux terrains, immeubles et zones villas, en passant par la villa et la maison. Le facteur d’ancienneté du bien est également pris en compte, entre le neuf (moins de 6 ans), le récent (entre 6 et 15 ans) et l’ancien (plus de 15 ans). Les difficultés persistent le plus souvent pour les logements mal orientés situés au rez-de-chaussée ou mal ensoleillés. Le prochain référentiel prendra donc en compte une étude que lui a transmise la FNPI, laquelle propose un ensemble d’accommodations à appliquer aux prix des référentiels selon la situation des biens vendus. Toutefois, après le lancement des travaux de révision, des divergences de vue se manifestent déjà entre les promoteurs immobiliers et l’administration fiscale. Les premiers souhaitent que le barème du fisc prenne en considération les récentes baisses des prix constatées sur le marché. La FNPI et le Conseil national des notaires évaluent cette baisse entre 15 et 20%, selon les quartiers, du fait de la morosité de la demande mais la DGI ne fléchit pas tant que ses agents n’ont pas encore confirmé les dires de ses deux interlocuteurs après leur enquête sur le terrain. Pour que ce référentiel ne soit pas un frein au développement du marché de l’immobilier, il faut le réactualiser de manière permanente et inclure d’autres paramètres de calcul du prix médian, recommandent les professionnels, considérant que deux biens situés dans une même zone ou dans un même bâtiment peuvent avoir des valeurs différentes compte tenu des règles de l’urbanisme ou de la qualité des constructions. Selon des sources proches du dossier, le nouveau document serait prêt d’ici la fin de l’année.
Du côté des acheteurs potentiels, de moins en moins nombreux, d’autres considérations entrent en ligne de compte quand il s’agit d’expliquer cette baisse drastique de la demande. L’association de protection des consommateurs Uniconso n’a cessé de dénoncer des prix «toujours en totale inadéquation avec la situation du marché et le pouvoir d’achat de la population». La décroissance des prix ne les a pas pour autant rendus plus accessibles. D’autant qu’elle s’est accompagnée d’une hausse des frais alternatifs. Il y a en effet eu une augmentation des droits d’inscription à la conservation foncière et ceux des droits hypothécaires. L’impact sur le coût de l’opération est de 1%, ce qui n’est pas négligeable. Outre la rémunération du notaire, les débours et les droits de mutation aussi appelés «droits d’enregistrement». Les frais de notaire dans l’immobilier de deuxième main sont d’ailleurs plus élevés que dans le neuf. Les droits de mutation, qui en constituent la plus grande partie, représentent entre 5% et 6% du prix d’achat du bien immobilier dans l’existant.
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