La signature du contrat-programme 2018-2022 du secteur du BTP a tenu les opérateurs en haleine jusqu’au dernier jour. Certains refusaient de le signer si le chef du gouvernement n’était pas présent lors de la cérémonie.
Mais la feuille de route sectorielle a finalement été signée entre le gouvernement, d’un côté, et la Fédération nationale du BTP et la Fédération marocaine du conseil et de l’ingénierie, de l’autre, lundi 24 septembre. Le contrat-programme intervient après un long cycle baissier de l’activité, pendant lequel les opérateurs se plaignaient du retard dans le lancement des chantiers et des délais de paiement.
Au terme du contrat-programme, il est attendu un PIB additionnel de 22 milliards de DH et 220.000 emplois additionnels.
Il faut relever qu’aucun budget n’a été arrêté pour la mise en œuvre du contrat. «Dans une première étape, le contrat-programme porte sur les efforts d’adaptation de la réglementation et de la législation par le gouvernement pour permettre le développement de l’ingénierie et de l’entreprise du BTP», explique un responsable de la Fédération du BTP. Les lois en question concernent notamment les carrières, les marchés publics, les voies de recours, les procédures administratives…
La stratégie de développement à moyen terme de l’ingénierie et de l’entreprise du BTP, dont le contrat-programme est une émanation, s’articule autour de deux piliers: la mise à niveau du secteur et la montée en puissance des acteurs pour la promotion de l’excellence et l’export.
Le volet mise à niveau du secteur est un vieux serpent de mer. En effet, il s’agit d’améliorer l’environnement dans lequel évoluent les entreprises, notamment en termes de visibilité sur l’évolution de la demande. La mise à niveau se traduira aussi par la révision de la réglementation et des procédures administratives.
Cet objectif n’est pas sans rappeler le bras de fer entre la profession et le ministère de l’Habitat au sujet de la loi sur la lutte contre les infractions en matière d’urbanisme qui s’est terminée par le statu quo.
Il est également question de renforcer la compétitivité de l’entreprise marocaine via l’amélioration de ses capacités managériales, son encadrement, la formation continue, l’adoption de normes et des nouvelles technologies. La feuille de route prévoit également la normalisation des chantiers: règles de sécurité, respect des normes sociales et environnementales… Sur ce point, de nombreux chefs d’entreprise ne cessent de réclamer la révision du code du travail pour l’adapter au caractère saisonnier des activités du BTP.
La restructuration de l’activité des bureaux d’études techniques traîne depuis plus d’une décennie. Après l’adoption du décret régissant la qualification et la classification des laboratoires de BTP, il a fallu attendre 13 ans pour la publication des textes d’application.
Des textes qui ont d’ailleurs été amendés en 2017 suite aux requêtes de certains opérateurs. Et depuis quelque temps, certains bureaux d’études réclament la suppression de l’obligation de la certification pour pouvoir soumissionner aux marchés publics. Pour l’heure, à peine 11 cabinets sont accrédités sur 30.
Le gouvernement promet de réaliser une étude pour évaluer le système actuel de qualification et de classification des entreprises de BTP habilitées à soumissionner aux appels d’offres de l’Etat et des collectivités territoriales. L’objectif étant de généraliser la certification de l’ensemble des maîtres d’ouvrage publics.
■ Préférence nationale: l’éternel mirage
Le contrat-programme prévoit la réforme globale de la réglementation, y compris la généralisation de l’application de la préférence nationale dans les marchés publics. Cela suppose que le verbe «pouvoir» dans la phrase «une préférence peut être accordée aux offres présentées par des entreprises nationales» soit remplacé par «doit être», en fixant un quota pour les opérateurs nationaux. En effet, tel que l’article 155 du décret sur les marchés publics est rédigé, la préférence nationale n’est pas une obligation, mais simplement une possibilité. L’article 156 du même texte fixe à 20% le montant prévisionnel des marchés réservés annuellement à la PME. Sauf qu’il n’existe aucune structure pour déterminer si ce quota a été bien respecté.
Après cinq ans d’application, c’est donc tout le décret sur les marchés publics qui devra faire l’objet d’une évaluation car le secteur dépend dans une grande mesure de la commande publique.
Le contrat-programme du BTP précise que le gouvernement devra étudier dans quelle mesure il pourra introduire la préférence nationale dans les discussions relatives aux dons et emprunts nationaux sans enfreindre les engagements internationaux du pays.
■ Une offre aux standards internationaux
Le Maroc, dont plusieurs grandes entreprises ont développé une grande expertise, ambitionne de développer une offre de BTP exportable. Pour y arriver, il faudra adopter les principes de l’excellence et de l’émulation en favorisant la recherche & développement chez les entreprises de BTP. L’objectif étant de contribuer à l’émergence d’opérateurs compétitifs au niveau régional et international. Certaines grosses pointures peuvent déjà s’exporter et réaliser les projets les plus complexes. Elles devront entraîner leur sillage des structures de taille plus modeste.