Ce que le Maroc comptabilise comme investissements directs étrangers (IDE)

Les responsables publics se targuent de la performance du Maroc en matière d’IDE: +42% à fin octobre 2018. Mais qu’est-ce qu’on considère comme investissement direct étranger ? Eléments de réponse.

Les Investissements directs étrangers (IDE) au Maroc sont en forte hausse. A fin octobre 2018, le flux net s’élève à 30,3 milliards de DH, en progression de 42% par rapport à la même période en 2017.

Il s’agit d’un rattrapage, entre autres grâce à l’opération Saham-Sanlam, sachant qu’au premier semestre 2018, le flux d’IDE affichait une baisse de 33% en glissement annuel.

Cette performance est mise en avant par l’Administration. Hormis le rattrapage par rapport au début de l’année, le flux des 10 premiers mois de 2018 dépasse celui de toute l’année 2017 (plus de 26 milliards de DH) qui marquait lui-même une hausse de 23% par rapport à 2016. Si la tendance en novembre et décembre se poursuit, le bon score de 2015 (près de 32 milliards de DH) sera dépassé.

Mais qu’est-ce qu’un IDE ? Qu’est-ce que l’Office des changes comptabilise dans cette rubrique des comptes extérieurs du Maroc ? Y mettrait-il des recettes en devises de toutes sortes pour gonfler cet indicateur ?

Dans les statistiques publiées par cette institution, les seules précisions fournies sont le pays de provenance des IDE, les secteurs concernés (industrie, commerce, immobilier…) ainsi que les rubriques (titres de participation, bénéfices réinvestis et instruments de dette).

L’acquisition par un étranger ou un MRE d’un bien immobilier au Maroc est-elle comptabilisée dans les IDE ? Les dettes commerciales ou le compte courant d’associé d’un étranger dans une entreprise étrangère installée au Maroc sont-ils également considérés comme des IDE ?

En fait, les précisions sont à chercher du côté du Fonds monétaire international (FMI). «Depuis l’année 2014, le Maroc produit et diffuse les statistiques de la balance des paiements et de position extérieure globale selon la sixième édition du manuel du FMI», précise la documentation de l’Office des changes. Autrement dit, les statistiques marocaines sur les IDE sont conformes aux standards internationaux.

Que dit le manuel de la balance des paiements et de la position extérieure globale du FMI ? Les définitions et classifications sont longues et nombreuses. Elles peuvent être consultées en détail dans le document précité. Médias24 reprend ici les principaux éléments de clarification.

Qu’est-ce qu’un investissement direct ?

Selon le manuel du FMI, l’investissement direct est une catégorie d’investissement transnational dans lequel un résident d’une économie détient le contrôle ou une influence importante sur la gestion d’une entreprise résidente d’une autre économie.

Outre la participation qui confère contrôle ou influence, l’investissement direct inclut aussi des investissements associés à cette relation, notamment :

– Des investissements dans des entreprises sous contrôle ou influence indirecte,

– Des investissements dans des entreprises sœurs,

– Des dettes (hormis certaines exceptions précisées ci-dessous),

– L’investissement à rebours (de l’entreprise investie dans l’investisseur direct).

“Parce qu’il confère le contrôle ou un degré d’influence importante, l’investissement direct tend à obéir à des motivations différentes et à se comporter différemment des autres sortes d’investissement. Outre les participations au capital (qui comportent des droits de vote), l’investisseur direct peut aussi fournir d’autres types de financement, ainsi que du savoir faire.

Les relations d’investissement direct tendent à durer, quoiqu’elles puissent être aussi de courte durée. Une autre caractéristique de l’investissement direct est que les décisions des entreprises peuvent concerner l’ensemble du groupe”, précise le manuel du FMI.

Le contrôle et l’influence directs et indirects

Le contrôle ou l’influence de l’investisseur direct peuvent être exercés directement au moyen de droits de vote découlant de la détention d’une part de capital de l’entreprise, ou indirectement par l’exercice de droits de vote dans une autre entreprise qui détient des droits de vote dans l’entreprise. Aussi, il existe deux manières identifiées d’exercer le contrôle ou l’influence :

– Une relation d’investissement direct immédiate est créée lorsqu’un investisseur direct possède directement une participation qui lui confère 10% ou davantage des droits de vote dans l’entreprise d’investissement direct.

Le contrôle est réputé exister si l’investisseur direct possède plus de 50% des droits de vote dans l’entreprise d’investissement direct.

Une influence importante est réputée exister si l’investisseur direct possède de 10% à 50% des droits de vote dans l’entreprise d’investissement direct.

– Une relation indirecte d’investissement direct est créée par la possession de droits de vote dans une entreprise qui possède des droits de vote dans une ou plusieurs autres entreprises, c’est-à-dire qu’une entité peut exercer indirectement le contrôle ou l’influence au moyen d’une chaîne de relations d’investissement direct.

Par exemple, une entreprise peut se trouver en relation immédiate d’investissement direct avec une seconde entreprise qui est engagée dans une relation immédiate d’investissement direct avec une troisième entreprise. Bien que la première entreprise ne possède aucune participation dans la troisième entreprise, elle peut être en mesure d’exercer indirectement le contrôle ou une influence.

Il existe aussi une relation d’investissement direct entre deux entreprises qui n’exercent aucun contrôle ou influence l’une sur l’autre, mais qui sont toutes deux sous le contrôle ou l’influence du même investisseur direct, c’est-à-dire des entreprises sœurs.

La transmission à travers une chaîne de relations d’investissement direct n’est pas liée à un niveau particulier de participation, mais à une chaîne de contrôle. Par exemple, une chaîne de participations reliant des entreprises dont chacune détient 60% des droits de vote représente une chaîne de contrôle, bien que la participation indirecte de l’entreprise située au sommet de la chaîne ne soit que de 36% au deuxième niveau (à savoir 60% de 60%), de 21,6% au troisième niveau (à savoir 60% de 36%), et ainsi de suite.

Notons que dans certains cas, il est possible d’exercer des droits de vote sans détenir des actions en nombre correspondant. En outre, il n’est pas reconnu de droits de vote si les actions sont détenues temporairement au titre d’accords de prise en pension.

(Source : manuel du FMI)

Différence entre filiales, entreprises associées, sœurs et apparentées

– Une filiale est une entreprise d’investissement direct sur laquelle l’investisseur direct est en mesure d’exercer le contrôle.

– Une entreprise associée est une entreprise d’investissement direct sur laquelle l’investisseur direct est en mesure d’exercer une influence significative, mais non le contrôle.

– Des entreprises sœurs ont le même investisseur direct immédiat ou indirect, mais n’exercent aucun contrôle ou influence les unes sur les autres.

– Des entreprises apparentées comprennent l’investisseur direct, l’entreprise d’investissement direct (qu’elle soit filiale, entreprise associée ou filiale de cette dernière) ainsi que les entreprises sœurs.

Les termes filiale et entreprise associée désignent aussi bien les sociétés que les entreprises non constituées en sociétés.

Qui peuvent être un investisseur direct et une entreprise d’investissement direct

Un investisseur direct peut être :

– un particulier ou un ménage;

– une entreprise, constituée ou non en société, publique ou privée;

– un fonds de placement;

– une administration ou une organisation internationale;

– une institution sans but lucratif dans une entreprise à but lucratif. La relation entre deux institutions sans but lucratif est exclue de l’investissement direct;

– une succession, un syndic de faillite ou autre mandataire; ou

– toute combinaison de deux des cas ci-dessus ou davantage.

Une entreprise d’investissement direct est toujours une société, catégorie statistique qui comprend :

– les succursales,

– les unités résidentes fictives,

– les fiducies,

– les autres quasi-sociétés et les fonds de placement,

– les entités constituées en sociétés.

Par unités résidentes fictives, il faut entendre:

– les parties d’unités non résidentes qui ont un centre d’intérêt économique sur le territoire économique du pays (c’est-à-dire, dans la majorité des cas, qui y effectuent des opérations économiques pendant une durée d’un an ou plus ou y exercent des activités de construction pendant une période inférieure à un an à condition que la production qui en résulte constitue une formation brute de capital fixe);

– les unités non résidentes en leur qualité de propriétaires de terrains ou de bâtiments sur le territoire économique du pays, pour les seules opérations portant sur ces terrains ou bâtiments. Même si elles ne disposent que d’une comptabilité partielle et ne jouissent en général pas de l’autonomie de décision, les unités résidentes fictives sont traitées comme des unités institutionnelles.

Notons que si les ménages ou les administrations publiques peuvent être des investisseurs directs, ils ne peuvent être des entreprises d’investissement direct.

Les flux inclus et exclus de l’investissement direct

L’investissement direct couvre la plupart des transactions et des positions financières entre entreprises apparentées résidentes d’économies différentes. Le revenu d’investissement associé aux positions d’investissement direct est inclus lui aussi dans l’investissement direct.

Outre les participations au capital et les droits de vote qu’elles confèrent (principale catégorie d’IDE au Maroc), certaines dettes sont prises en compte dans l’investissement direct.

“Bien que la dette et les autres créances qui ne confèrent pas de droits de vote ne soient pas prises en compte dans la définition d’une relation d’investissement direct, elles sont incluses dans les transactions et positions d’investissement direct si une relation d’investissement direct existe entre les parties”, précise le manuel du FMI.

Ainsi, les instruments de dette autres que l’or monétaire, les DTS (droits de tirage spécial), le numéraire, les positions interbancaires et les pensions et droits acquis similaires peuvent être inclus dans l’investissement direct.

Cependant, les transactions entre sociétés apparentées portant sur des actifs financiers émis par une tierce partie indépendante ne sont pas des transactions d’investissement direct.

Les réserves techniques d’assurance sont incluses dans l’investissement direct lorsque les parties sont dans une relation d’investissement direct.

Les dettes entre certaines sociétés financières apparentées ne sont pas classées comme investissement direct parce qu’on considère qu’elles ne sont pas aussi fortement liées à la relation d’investissement direct. Les sociétés financières concernées sont :

– les institutions de dépôts (banques centrales et institutions de dépôts autres que la banque centrale);

– les fonds de placement;

– les autres intermédiaires financiers sauf les compagnies d’assurances et les fonds de pension.

Toutes les positions de créance entre ces principaux types de sociétés financières apparentées sont exclues de l’investissement direct, et incluses dans l’investissement de portefeuille ou les autres investissements.

De même, Les dérivés financiers et les options sur titres des salariés sont exclus de l’investissement direct et inclus dans la catégorie fonctionnelle des dérivés financiers (autres que les réserves) et les options sur titres des salariés.

L’investissement direct peut inclure l’investissement immobilier, y compris l’investissement dans l’immobilier locatif et les résidences de tourisme.

Les fonds en transit (fonds qui transitent par une entreprise résidente d’une économie vers une société apparentée dans une autre économie) sont inclus dans l’investissement direct pour une symétrie et cohérence des données entre économies.

L’investissement à rebours est également considéré comme un investissement direct.

Une entreprise d’investissement direct peut acquérir une participation ou autre créance sur son propre investisseur direct immédiat ou indirect. Ces transactions peuvent avoir pour objet d’effectuer un retrait d’investissement ou d’organiser un financement au sein d’un groupe transnational. Par exemple, dans le cas d’une entreprise qui emprunte pour le compte de son entreprise mère, et ceux où les fonctions de trésorerie sont regroupées dans une filiale, la filiale peut prêter des fonds à son investisseur direct.

L’investissement à rebours naît lorsqu’une entreprise d’investissement direct prête des fonds à son investisseur direct immédiat ou indirect ou prend une participation dans celui-ci, à condition que celle-ci reste inférieure à 10% des droits de vote dans cet investisseur direct. En revanche, si deux entreprises possèdent chacune 10% ou davantage des droits de vote de l’autre, il n’y a pas investissement à rebours, mais plutôt deux relations mutuelles d’investissement direct. C’est-à-dire que chacune des entreprises est à la fois investisseur direct et entreprise d’investissement direct de l’autre.

Medias24

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