Voici ce que propose Lahlimi pour relancer la croissance

Le Haut commissaire au plan préconsie une méthode ultra keynésienne : lâcher du lest sur le déficit budgétaire pour augmenter l’investissement productif de l’Etat et ouvrir le robinet du crédit pour stimuler la consommation des ménages et l’invetissement privé. Une recette porteuse de risques inflationnistes que l’ancien ministre socialiste assume pleinement.

C’est un tableau sombre qu’a dressé le Haut commissariat au plan, mercredi 16 janvier, à l’occasion de la présentation de la situation économique en 2018 et des perspectives pour 2019.

Voici les principaux indicateurs macroéconomiques prévus en 2019 :

– Une prévision de croissance du PIB maintenue à 2,9% après 3% attendus en 2018.

– Net ralentissement de l’activité agricole, entre autres à cause d’un effet de base (bonnes campagnes en 2017 et 2018) : +0,1% après +3,8% en 2018.

– Lente reprise des activités non agricoles : +3,1% contre +2,9% en 2018.

– Croissance toujours tirée par la demande intérieure (consommation des ménages et investissement principalement) : +3,4%, contribuant à la croissance du PIB de 3,8 points.

– Contribution toujours négative du commerce extérieur à la croissance : -0,8 point, compte d’une évolution prévue des importations plus importante que celle des exportations.

– Une inflation toujours faible : 1,2% après 1,6% en 2018.

– Moins de créations d’emplois : un taux de chômage en hausse, qui passe à 10,1% contre 10% en 2018, hausse atténuée par la baisse attendue du taux d’activité.

– Baisse du taux d’épargne nationale : 27,7% du PIB contre 28% en 2018.

– Besoin de financement de l’économie toujours élevé (taux d’investissement diminué du taux d’épargne) : 4,3% du PIB contre 4,5% en 2018.

– Atténuation du déficit budgétaire : 3,7% du PIB contre 3,9% en 2018.

– Accentuation du taux d’endettement public : 82,5% du PIB contre 82,2% en 2018.

Renforcement de l’épargne nationale comme alternative à l’endettement

Commentant ces prévisions, Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au plan, affirme que le ralentissement de la croissance attendu en 2019 s’inscrit dans la continuité des réalisations de ces dernières années.

Il rappelle que dès 2012, son institution a alerté sur l’essoufflement du modèle national de développement, basé essentiellement sur la demande intérieure. Il précise toutefois que, contrairement aux idées répandues, ce n’est pas le rôle moteur de la demande intérieure dans le modèle de développement qui pose problème, c’est plutôt l’insoutenabilité de son financement. « Tous les modèles au niveau mondial sont tirés par la demande intérieure, les nuances n’interviennent que par la part que la demande extérieure apporte à leur financement et à la soutenabilité de leurs échanges extérieures ».

Le HCP préconise donc un rééquilibrage entre demande intérieure et extérieure tout en soutenant les revenus des ménages.

Pour financer ce chantier, Ahmed Lahlimi appelle au renforcement de l’épargne nationale comme alternative à l’endettement public, déjà à un niveau élevé.

Malgré un endettement public de plus de 82% du PIB et un taux d’investissement de plus de 30%, porté principalement par l’Etat, l’investissement génère peu de croissance et d’emplois. Le HCP appelle à poursuivre l’effort d’investissement dans les infrastructures (le stock de capital étant encore bas) mais avec une meilleure gouvernance de l’action publique dans ce domaine et en soutenant davantage les investissements productifs dans l’agriculture, l’industrie, les services à valeur ajoutée…

Pour lui, c’est l’entreprise, qui génère 50% de l’épargne intérieure, qui doit réaliser ces investissements productifs, avec le pilotage de l’Etat.

Un potentiel de production sous-exploité, les PME faiblement soutenues

« Le Maroc dispose d’un grand nombre d’opportunités de diversification dans des produits proches de la structure actuelle de production nationale et qui sont dotés d’un potentiel de compétitivité, notamment dans les filières à base de céréales, de fruits et légumes, et de textile industriel, de chimie, de fabrication de machines et d’équipements. Ce potentiel porterait dans une première estimation à 3.500 nouveaux produits », précise le HCP.

Surtout, c’est la PME-TPE qui doit investir et saisir ce potentiel. Or, Les PME, qui constituent plus de 95% du tissu productif, ne participent qu’à 4,7% à l’investissement global. « Le potentiel des 3.500 nouveaux produits est un champ ouvert pour les petites entreprises qui pourraient, si elles étaient appuyées par l’encadrement, le financement et l’encouragement nécessaires, contribuer à améliorer la complexité et la croissance de l’économie marocaine », estime le HCP.

Autrement dit, en leur donnant les moyens, les PME pourraient à la fois accélérer la croissance et les créations d’emplois, mais également répondre à une partie de la demande intérieure satisfaite actuellement par les importations et en parallèle exporter, ce qui contribuerait à réduire le déficit extérieur et le besoin de financement de l’économie. A noter que les grandes entreprises réalisent 89% des exportations nationales.

Du côté des ménages, qui génèrent 35% de l’épargne nationale, il s’agit d’améliorer la capacité d’épargne par les créations d’emplois et l’augmentation des revenus.
En effet, les revenus des ménages ne croissent plus que de 3,5% par an contre 6,1% au début des années 2000. Les salaires, qui représentent 42% des revenus, n’augmentent plus que de 0,2% contre 2,8% auparavant.

Lâcher le déficit budgétaire et l’inflation

En excluant les dépenses relatives à la nourriture et au logement, il ne reste pour les autres dépenses et donc pour une épargne potentielle que 10% des revenus chez les ménages les plus pauvres, 27% chez les ménages intermédiaires et 56% pour les ménages aisés.

Pour renforcer l’épargne nationale et financer les investissements productifs, surtout de la part des PME, créer de la croissance et des emplois et améliorer les revenus des ménages, le HCP appelle à plus d’inflation, autrement dit à ouvrir le robinet du crédit bancaire.

« Presqu’aucun pays en voie de développement n’a une inflation inférieure à 2%, ni un déficit budgétaire inférieur à 4%. Le Maroc a besoin de plus de « bonne inflation » pour relancer la machine économique. Cela permettrait même à l’Etat de rembourser plus rapidement sa dette intérieure qui représente l’essentiel de l’endettement global », martèle Ahmed Lahlimi qui tient à répéter que c’est d’une « bonne inflation » dont le Maroc a besoin, autrement dit d’une création monétaire à orienter vers les investissements productifs, créateurs de valeur (exportations, substitution des importations par la production locale…) et d’emplois (amélioration des revenus des ménages) et contribuant au développement humain (éducation, santé…).

Retransmission de la conférence d’Ahmed Lahlimi.

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