Entretien avec Taoufik Kamil, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI)
ALM: Quelle lecture faites-vous des nouvelles tendances immobilières au Maroc ?Taoufik Kamil : Le marché est très actif et bien achalandé. Les offres sont multiples et pour ce qui concerne particulièrement les MRE les offres de logements à proximité des plages sont nombreuses et intéressantes, notamment sur l’axe Casablanca-Rabat-Kénitra-Larache. Les prix pratiqués sont à notre avis abordables tout en variant selon les finitions proposées.Le climat du marché est-il propice à l’achat. Et comment justifiez-vous les prix pratiqués dans le secteur ?Il y a incontestablement une stagnation voire un léger repli des prix. Tout dépend du promoteur et de sa situation financière. Le marché me semble bien propice à l’achat car nous avons atteint un seuil minimal. Par ailleurs les prix des matériaux de construction repartent à la hausse en suivant le trend haussier du pétrole, ce qui va entraîner une reprise haussière des prix de vente.Quels sont les principaux défis conjoncturels à relever pour assurer une bonne reprise de l’immobilier marocain ?Plusieurs leviers doivent être actionnés par les autorités publiques pour mettre en adéquation l’offre et la demande qui est importante et ne va cesser d’augmenter pour diverses raisons, ne serait-ce qu’à cause du taux de croissance naturel de la population et de l’afflux persistant des populations vers les villes.
Le taux d’urbanisation étant actuellement de 60% de la population et atteindra 70% en 2025 selon les statistiques officielles, il est question de réduire le coût du foncier par des dispositions plus judicieuses et appropriées des plans d’aménagement qui doivent répondre aux aspirations des citoyens. Il faut opter pour plus de verticalité dans les agglomérations afin de libérer plus d’espaces verts et de loisirs pour les habitants. Il faut aussi réduire les temps de transport et de limiter la pénibilité de la mobilité de nos concitoyens, de prévoir des marchés, des aires de jeux, des salles de rencontres, et des parcs dans chaque quartier et non uniquement des logements. Il est urgent de réduire les temps des délais administratifs pour les traitements des dossiers de construction de bout en bout. Aussi, le programme des logements sociaux arrive en fin de parcours en 2020 et les opérateurs économiques et tout l’écosystème ont besoin d’une visibilité.L’une des principales questions sur lesquelles s’est penchée la FNPI est la relance du secteur. Où est êtes-vous en termes de concertation avec la tutelle, notamment dans le cadre du mémorandum présenté il y a quelques mois au département ministériel ?Mis à part tout ce qui précède, nous voulons professionnaliser le secteur en adoptant un statut du promoteur. Le but étant d’avoir des opérateurs immobiliers professionnels conscients de leurs droits mais aussi et surtout de leurs devoirs vis-à-vis de l’Etat et des tiers. L’aspect qualitatif et le strict respect des réglementations ne pourront réellement aboutir qu’avec des promoteurs professionnels citoyens et responsables que le statut devra définir.
La classe moyenne ne trouve pas de réponse adéquate à ses demandes en matière de logement.
Ce qui est une véritable frustration pour cette catégorie sociale. L’accès au logement est un droit, et permet au citoyen de loger et vivre dans la dignité et l’épanouissement avec sa famille. Le prix du foncier est bien trop élevé par rapport aux standards des pays limitrophes et constitue un véritable obstacle à cette catégorie sociale essentiellement dans les grandes villes par le renchérissement de la part foncière dans chaque logement produit.
Nous avons fait des propositions au ministère dans le cadre de notre mémorandum et aussi lors de nos réunions régulières avec les autorités de tutelle. La réponse adéquate et appropriée à cette problématique se fait attendre.
Encore une fois, il nous faut une visibilité pour l’après-2020 pour les logements sociaux à 250.000 DH hors taxe qui ont connu un grand succès et qui doivent se poursuivre sous peut-être d’autres formats.
Le dispositif dédié au logement rural
La FNPI propose dans son mémorandum un schéma qui permet de résoudre en grande partie le problème du logement dans le monde rural. Un modèle qui selon la fédération ne nécessite pas un grand budget. Il devrait porter sur une opération de compensation par le biais du foncier public.
Les logements projetés seront des lots de terrain de 200 et 400 mètres carrés titrés sur lesquels seront construites des maisons sommaires brutes de 60 mètres sans finition permettant aux habitants de garder de l’espace pour un petit élevage et une possibilité d’extension de constructions.
Le financement proposé devrait pour sa part porter sur une mise à contribution de l’Etat en vue de fournir le foncier entre autres par le biais des domaines. La réalisation et la construction de ces logements devraient se faire par appels d’offres aux opérateurs publics ou privés. De même, le paiement des constructions devrait se faire soit par le biais de financement public ou par compensation financière à travers la cession par l’Etat d’autres parcelles du domaine privé dans d’autres zones.
Le Maroc a ouvert récemment le grand chantier de la fiscalité. Quel est l’impact fiscal de l’immobilier sur l’économie nationale ?Il faut reconnaître que le secteur subit des taxes multiples, non visibles au grand public qui augmentent considérablement les prix de revient au détriment de l’acquéreur et de son pouvoir d’achat limité. Par exemple, il est question des droits d’enregistrement imposés au promoteur lors de l’achat du foncier et à l’acquéreur lors de l’achat du bien qui ont doublé en 2017. Aussi, de multiples droits de la conservation foncière imposés au promoteur (droits d’achat du terrain, droits d’inscription des hypothèques, droits de mise en concordance, droits d’établissement des titres parcellaires), puis des droits de la foncière imposés à l’acquéreur (droit d’achat du bien, droits d’inscription des hypothèques). La foncière a des modes de calcul propres qui ne nous paraissent pas équitables, aussi ces droits ont été augmentés de 50% en 2017. De même que les taxes de la protection civile, des communes (autorisation de construire, VRD, TTNB), des agences urbaines, des régies… Sans parler de la TVA sur les crédits bancaires des acquéreurs de l’IS des promoteurs. Au final, toutes ces taxations sont supportées par l’acquéreur. Cela fait beaucoup. Nos simulations indiquent qu’entre 30 à 35% des prix de vente sont perçus par les différentes instances de l’Etat lors d’une opération de promotion et de vente d’un bien immobilier.Que proposez-vous dans ce sens ? Et quel commentaire faites-vous des résolutions prises lors des Assises de la fiscalité ?Nous avons, bien entendu, participé aux Assises de la fiscalité avec diverses propositions et dont certaines ont été retenues. Nous attendons la suite qui suit son cours. Parmi nos remarques, la taxe sur terrains non bâtis, qui sont taxés alors qu’il s’agit d’un stock des promoteurs. Les entreprises ne sont pas imposées sur leurs stocks alors pourquoi le secteur de l’immobilier l’est-il ?
Statut du promoteur : Les recommandations de la FNPI
La professionnalisation des acteurs est l’un des gages d’un marché immobilier sain. L’image du promoteur immobilier a longtemps été ternie par le non-respect des normes et la prolifération de l’informel. Pour mettre fin à l’anarchie dans le secteur de l’immobilier, la FNPI s’engage à assainir la profession en définissant un statut de promoteur professionnel, responsable et engagé. Les professionnels ambitionnent, donc, de délimiter les sphères de responsabilité. Le but étant d’élaborer une matrice qui permet à l’ensemble des personnes qui opèrent dans le secteur de remplir pleinement leurs rôles. L’enjeu étant de privilégier la transparence en répondant aux normes de qualité requises et en respectant la réglementation en vigueur.
Tel que défini par la fédération, le statut du promoteur se veut un cadre légal qui permettra aux interlocuteurs publics de s’assurer de la bonne gouvernance du marché. Ainsi, les promoteurs professionnels pourraient être soit des personnes physiques ou morales qui prennent l’initiative des réalisations immobilières de façon habituelle et qui dans le cadre d’une organisation permanente assurent la responsabilité de la coordination des opérations nécessaires pour l’étude et l’exécution de celles-ci. Cette définition détaillée par la fédération vient créer une distinction entre l’acteur informel et le promoteur engagé. En vue de professionnaliser le secteur, la FNPI propose un modèle simplifié visant avant tout à responsabiliser le promoteur quant à la qualité des logements. La FNPI exige par ailleurs l’établissement de critères techniques et financiers avant d’entamer un projet immobilier, imposant à cet effet des attestations d’aptitude financière de type A pour plus de 100 millions de dirhams, de type B pour plus de 20 millions de dirhams et de type C pour plus de 5 millions de dirhams.