Samir. La difficile identification des biens de Ba-amer qui risquent la liquidation au Maroc

Les biens de Mohamed Jamal Ba-amer, directeur général de la Samir, sont officiellement en liquidation. La justice devra non seulement les répertorier, mais surtout espérer qu’ils n’aient pas été cédés.

Prononcé le 5 novembre, le jugement étendant la liquidation de la Samir à ses dirigeants ne pouvait pas éluder un homme: Mohamed Jamal Ba-amer. Et pour cause, le DG est au centre des accusations de fautes de gestion citées dans le rapport de Mohamed El Krimi, ex-liquidateur de la raffinerie et initiateur de la demande d’extension.

Egalement frappé de la déchéance commerciale, l’homme d’affaires saoudien a été le premier à faire appel de la décision, qui reste tout de même exécutoire.

L’extension de la liquidation est une sanction civile. Elle s’applique au patrimoine de tout dirigeant ayant commis l’un des actes énumérés par l’article 740 du code de commerce (la version post-réforme du livre V).

En ce sens, ce sont les biens personnels de Ba-amer que l’on vise. Encore faut-il les répertorier. Une mission qui a été dévolue à Abderrafi Bouhamria, juge-commissaire et à Abdelkbir Safadi, syndic judiciaire. Chargé de la liquidation du raffineur, ce binôme aura désormais à gérer, en parallèle, celle du management.

Les deux hommes forts de la procédure devront, surtout, espérer que les biens de l’intéressé n’aient pas été cédés en prévision du récent jugement. Selon plusieurs sources, y compris judiciaires, Ba-amer est soupçonné d’avoir organisé lui-même la vente de ses actifs avant même la mise en liquidation de la Samir le 21 mars 2016.

Information plausible, mais difficilement vérifiable. A l’exception de Tahnaout Development (promotion immobilière), société cédée 12 jours avant la liquidation (9 mars 2016), Médias24 n’a pas été en mesure d’identifier d’autres manœuvres douteuses. La faute à des données rarement actualisées.

A la Samir, Ba-amer a été nommé au poste de DG en juin 2004. Depuis, il y est également allé de son propre business, cumulant les entrées dans des secteurs d’activités disparates. Des participations en cascade dont Global Finance Holding, SARL créée en 2007, fut la principale locomotive. Cette société de portefeuille, dont il est l’associé et gréant unique, chapeaute une nébuleuse aux composantes difficilement traçables, avec souvent des liens plus ou moins directs avec la Samir.

Energie, immobilier, location de voitures, centres de langue… Entre 2008 et 2009, la holding basée à Tanger a multiplié les prises de contrôle. Bémol, les dernières données disponibles à propos de la société datent aussi de la même période.

Pour autant, parmi les entités contrôlées, certaines affichent aujourd’hui encore des bénéfices. C’est le cas de Best Language Centre Privé. Créée en 2007, cette société -gérée au passage par le seul Ba-amer- a réalisé un résultat net de 2,77 MDH en 2017. Son chiffre d’affaires tournait autour de 10 MDH. Selon plusieurs sources, le gros de la clientèle était composé des employés de la Samir et ses filiales, auxquels on imposait de s’inscrire pour suivre des cours d’anglais payés par… la Samir et ses filiales.

A travers Majestic Limousine, SARL au capital de 7,5 MDH, la Holding de Ba-amer s’est fait également une place dans le transport touristique de luxe. Son accès au capital de cette société a eu lieu suite à l’acquisition, le 19 novembre 2007, de la totalité des parts détenues par Mustapha Amhal, ancien membre du Conseil d’administration de la Samir. Le même jour, M. Amhal cèdera au même acquéreur tous les titres qu’il détenait dans Majestic Easy Car (Location de voitures).

Hôtelière Samir, des « flux anormaux »

L’homme d’affaire s’est aussi essayé à l’hôtellerie. L’hôtelière Samir, entité née en 1968 et où il est associé, détient partiellement et gère l’hôtel 4 étoiles Avanti basé à Mohammedia. La société fait d’ailleurs l’actualité pour les mêmes raisons que Ba-amer. Elle s’est vue, par le même jugement qui a sanctionné l’intéressé, incluse dans le périmètre de liquidation de la Samir dont elle est une ancienne filiale. Les juges ont décelé une confusion des flux anormaux entre les deux sociétés.

En 2006, la Samir a cédé à Corral Hôtel Resort & Company (autre société condamnée à l’extension) 48.831 actions qu’elle possédait dans le capital de l’Hôtelière Samir. Le montant de la transaction est de 65 MDH, dont 30 MDH payables en cash et dans l’immédiat. Et c’est Mohamed Jamal Ba-Amer qui effectuera l’opération. Or, il se trouve que le Saoudien était à la fois président du conseil d’administration de l’Hôtelière Samir, dirigeant de Corral Hôtels Resorts et Directeur général de la Samir. L’existence d’un même dirigeant à la tête de plusieurs entités peut révéler, entre ces dernières, une confusion de patrimoine. Cette confusion peut motiver l’extension de la liquidation.

Mais ce n’est pas tout. Dans la même opération, 6 lettres de change ont été ainsi signées par Ba-Amer. Seulement voilà, depuis cette date, la Samir n’a jamais recouvré la somme en question, les lettres de change n’ayant pas été présentées au paiement. En réalité, elles demeurent à ce jour dans les tiroirs de la Samir. Eteintes par la prescription, elles ne servent plus à rien.

De même, ces lettres de change n’ont jamais été remises à la Samir par l’acheteur, Corral Hotels. Elles ont plutôt été émises au nom de l’Hôtelière Samir, qui s’est subrogée à Corral Hotels dans le paiement de la cession.

En 2014, Mohamed Hussein Amoudi, actionnaire majoritaire de la Samir à travers Corral Holding, décide d’affecter une partie des bénéfices, réalisés par cette dernière dans la Samir, au paiement d’une partie de la dette de Corral Hotels à l’égard de la Samir. Le montant transféré est curieusement de 30 MDH.

En sa qualité d’associé, de gérant ou à travers Global Finance Holding, la trace de Ba-amer est identifiable dans au moins une dizaine d’autres sociétés, et nous n’évoquons ici que celles établies au Maroc. Nous citons (à titre non exhaustif) :

– Majestic Lux Products (Commerce d’or et de montres de marques internationales) ;

– La Pétrolière de carburants et combustibles (Energie) ;

– Co Holding Morocco (société qui opère dans les transactions financières en devises, où Ba-amer est associé avec Mohamed Hussein Al Amoudi, actionnaire majoritaire de la Samir) ;

– Les éditions Lilas (Editeur du magazine Citadine au Maroc) ;

-Corres (Importateur de divers produits de luxe, dont les montres Chaumet).

– Maghreb Energy Growth (SA pétrolière au capital social de 200 MDH dont Ba-amer est administrateur depuis septembre 2008) ;

– North Africa Petrochemical Co (commercialisation de produits pétrochimiques qu’elle revendait au raffineur) ;

– Société Arabe d’approvisionnement (Import et export de plusieurs produits entre le Maroc et Dubaï) etc..

Toutes ces sociétés avaient déjà fait l’objet d’un listing établi par l’office des changes. En 2015, l’administration avait décidé de soumettre au contrôle toutes les opérations de transferts de fonds émanant des entités rattachées, entre autres, à Mohamed Jamal Ba-amer.

Medias24

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