Un promoteur immobilier à Casablanca a vendu des appartements à des centaines de particuliers… qui n’ont jamais été livrés. La justice ordonne une saisie conservatoire sur les comptes vidés de la société.
Comme des dizaines de futurs acquéreurs, M.T, 29 ans, un jeune fraîchement diplomé d’une université française, et après avoir vu une publicité pour le nouveau programme immobilier baptisé Casablanca Parc, sis au quartier Sidi Maârouf, bénéficiant d’un emplacement attractif derrière le grand parc Casanearshore, est allé visiter le projet ou plutôt quelques gros oeuvres sortis de terre de la première et la deuxième tranches et l’appartement témoin agréablement bien aménagé. Séduit par le projet, il décide d’acheter, s’empressant de signer, au mois de février 2015, un «contrat de réservation» pour un appartement composé d’un salon et de deux chambres.
Il verse illico un dépôt de garantie de l’ordre de 117.000 dirhams, sur un montant total convenu de 781.330 dirhams représentant près de 12% du prix prévisionnel du logement avec la condition que son appartement sera livré, au plus tard, le 3e trimestre 2016.
Appartements mal finis
En principe, la somme d’acompte devrait être versée sur un compte bloqué au nom du futur acquéreur, ouvert dans sa banque ou chez un notaire. De telle façon que le promoteur ne pourra en disposer qu’après la signature du contrat de vente définitif chez le notaire. Mais il n’en est rien de tout cela. Des dizaines d’autres acquéreurs ont commis l’erreur de livrer au promoteur un chèque au nom de la société Treize Huit Sidi Maarouf, inscrite au registre de commerce de Casablanca sous le numéro 247563, représentée par Mohamed Hassan Benabdelali ou Mohamed Sadreddine Benhima, en qualité de co-gérant.
A ce jour, l’appartement du jeune homme n’a pas été livré. Celui d’un de ses amis, R.S, 30 ans, non plus. Et pourtant, cet ingénieur diplomé d’une grande école parisienne, a signé le même document (contrat de réservation) en janvier 2014 en versant un acompte d’un montant de 123.000 dirhams sur un total de 840.000. Il assure que seuls 3 blocs sur 6 de l’ensemble résidentiel Casablanca Parc sont sortis de terre. Les rares premiers acquéreurs ayant pris possession de leurs appartements ont constaté, à leur déception, que les appartements étaient mal finis. Mais ils sont chanceux comparativement à la deuxième vague, qui attend toujours que le promoteur obtienne son permis d’habiter pour signer avec eux un contrat de vente définitif.
Saisie conservatoire
Le jeune R.S, qui a perdu tout espoir de devenir propriétaire d’un appartement dans le projet Casablanca Parc, avait poursuivi au mois d’octobre 2017, la société de promotion immobilière Treize Huit Sidi Maarouf SARL, filiale de la holding Maprinvest. Le verdict du tribunal de première instance tombe en mars 2018. Il ordonne à la société Treize Huit Sidi Maarouf SARL de restituer la somme d’acompte au jeune homme. Encore cette fois, ce dernier perd tout espoir d’encaisser son argent. Son avocat lui apprend que les comptes de la société sont vides et que son registre de commerce fait l’objet d’une saisie conservatoire de la banque qui a octroyé des crédits au promoteur mais également par des fournisseurs qui attendent toujours d’être payés pour leurs différentes prestations.
Une poudrière qui, à l’origine, fut un grand projet immobilier résidentiel autour duquel une grande campagne de communication a été organisée. Aujourd’hui, des dizaines de victimes sont allées poursuivre une société de promotion immobilière en cessation d’activité, une SARL dont les biens des actionnaires ne sont pas concernés par la saisie conservatoire des différentes parties victimes.
Système de cavalerie
Tous les ingrédients d’une grande arnaque et d’un grand scandale immobilier sont réunis. Et pourtant, on ne reconnaît pas le caractère frauduleux de la commercialisation de ce grand projet sur plan par un promoteur immobilier qui a dupé une centaine d’acquéreurs d’appartements qui, in fine, n’avaient jamais été livrés.
En dehors des trois premiers blocs, aucune des cinq autres composantes résidentielles du projet n’a abouti. A l’époque du lancement du projet Casablanca Parc, le promoteur usait des réseaux sociaux, notamment Facebook, pour véhiculer des vidéos de promotion du projet mais aussi de ses commerciaux qui continuaient à rassurer tant bien que mal des clients sceptiques et inquiets qu’ils allaient recevoir leurs appartements.
Usant d’un système basé sur la «cavalerie », cette société a encaissé des dizaines de millions de dirhams jusqu’en 2018. «La société immobilière, gestionnaire du projet, est en cours de liquidation. Notre argent est versé en bout de chaîne dans les sociétés patrimoniales des actionnaires et par conséquent investi dans d’autres projets et d’autres nouvelles sociétés. Ces associés savaient ce qu’ils faisaient depuis le début. Ils ont créé une SARL où la responsabilité limitée protège leurs biens patrimoniaux et personnels», s’écrie, résignée, une des victimes.
3, 4 voire 5 ans après la date promise par le promoteur, des centaines de victimes n’ont pas encore obtenu leurs logements. Et même le circuit judiciaire est, pour l’heure, incapable de leur rendre justice.