Nouvelle équipe, nouveau discours, nouvelle vision. Le tout nouveau Bureau de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) adopte un discours en rupture avec ses prédécesseurs. Une nouvelle approche qui s’inscrit en totale rupture avec les doléances corporatistes, la quête d’incitations étatiques ou encore des subventions à tour de bras réclamées à l’Etat.
L’équipe à la tête de la Fédération, présidée par Taoufik Kamil, revendique désormais un rôle d’incubateurs d’idées, une force de propositions pour une «vision renouvelée et un écosystème responsable».
Pour relancer le marché, «il va falloir stimuler la demande en adoptant des mesures audacieuses avec des incitations orientées acquéreur. Et pour qu’il n’y ait pas d’équivoque, les promoteurs ne réclament plus de subventions à l’Etat», tient d’emblée à préciser Rachid Khayatey, vice-président de la FNPI et président du groupe KLK. C’est dans cet esprit que la Fédération des promoteurs vient de soumettre une feuille de route à la tutelle avec une série de mesures, à caractère à la fois technique, urbanistique et financier, censées redynamiser l’activité, créer de la valeur et rehausser les standards.
Principales mesures de ce mémorandum: la redéfinition du statut du promoteur, le lancement d’une offre taillée sur mesure à la classe moyenne via un produit qui ne dépasse pas les 100 m2 pour un prix autour de 500.000 DH. S’y ajoute une alternative audacieuse au dispositif du logement social, censé prendre fin en 2020, avec une extension des superficies et de nouveaux standards pour un bien autour de 5.000 DH HT. Globalement le prix unitaire de cette nouvelle offre devra osciller autour de 350.000 DH.
Invités au Club de L’Economiste, trois membres dirigeants du Bureau de la FNPI se prêtent à l’exercice de l’analyse d’un secteur stratégique (l’immobilier) qui contribue à hauteur de 6,8% au PIB national avec plus de 1 million d’emplois cumulés et 107,3 milliards de DH de valeur ajoutée.
Sauf que le secteur évolue depuis un moment dans un cycle baissier avec un ralentissement du rythme des transactions, des stocks importants d’invendus, une inadéquation entre l’offre et la demande, du foncier qui se raréfie, voire une demande potentielle qui s’inscrit dans l’attentisme ou encore des difficultés dans l’octroi de crédits. Même s’il s’inscrit dans un trend baissier, ce cycle a aussi des opportunités de niches pour certains opérateurs qui parviennent tant bien que mal à réaliser une croissance parfois à deux chiffres, en dépit de la conjoncture.
Mais sommes-nous vraiment dans un secteur en crise? Rachid Khayatey, architecte DPLG, président du groupe KLK et vice-président de la FNPI, analyse l’évolution du marché plutôt dans une logique systémique. Selon lui, l’immobilier repose sur trois principaux piliers: la matière première qu’est le foncier, la production et la demande (le marché).
Le vice-président Khayatey se veut catégorique: «Pour qu’il n’ y ait pas d’amalgame, il n’y a pas de crise sur le foncier… Pas non plus sur la production et les matériaux de construction. En revanche, sur la demande, la crise est bel et bien là depuis un moment».
Pour étayer ses propos, Khayatey, qui a la double casquette de promoteur et architecte DPLG, renchérit: «Il n’y a pas de crise dans l’acte de bâtir en lui-même, elle est plutôt dans un pilier de l’activité, celui de la demande et donc de l’acquisition compte tenu des pressions sur le pouvoir d’achat des ménages. Cette crise de la demande repose sur 3 facteurs: l’attentisme et la quête d’opportunités, la perte de confiance entre acquéreur et promoteur, ou encore le pouvoir d’achat qui s’essouffle et se traduit par un problème de solvabilité des ménages».
Pour sortir de cette impasse de la demande et rétablir la confiance, la FNPI a mené des benchmarks avec des pays européens qui ont connu le même phénomène, notamment le Royaume-Uni (programme David Cameron: help to buy avec un apport personnel de 7%), la France (l’acquisition avec crédit au taux zéro), le Portugal (le dispostif RNH -résident non habituel- un programme pour étrangers avec exonération sur 10 ans tout en montant une activité, un investissement), l’Espagne… Autant de modèles réussis et inspirants pour stimuler une nouvelle demande et relancer la machine. Il va sans dire que le marché marocain de l’immobilier reste tout de même atypique.
La logique veut que le ralentissement des ventes se traduise mécaniquement par des corrections de prix voire une tendance baissière à l’achat. Or, ce n’est pas encore le cas, surtout sur l’axe Casa-Rabat où les prix sont toujours sur un trend haussier, ou du moins se stabilisent.
Sur cette incohérence entre l’accalmie des ventes et le prix encore élevé du mètre carré, la FNPI précise que derrière la décomposition des prix, il y a plusieurs paramètres, variables et sous détails qui entrent en jeu, notamment le coût du foncier, les crédits promoteurs et surtout les multiples droits & taxes directes et indirectes (Conservation foncière, Régies, Fonds Travaux…) qui font que les prix ne baissent pas, ou du moins stagnent.
«Aujourd’hui, les coûts des VRD, infrastructures d’assainissement, viabilisation, voiries, électrification…. sont à la charge du promoteur. Cela atteint 30 à 40% du coût de viabilisation à Casablanca», précise la FNPI. Entre les droits d’enregistrement et la Conservation foncière, l’on se retrouve dans un taux qui oscille entre 12 et 15% de frais supplémentaires dont s’acquitte in fine l’acquéreur.
Globalement, «25% du projet en infrastructures VRD et en constructions de bâtiments annexes et autres commodités sont à la charge du promoteur», rappelle Karim Ammor. Mais est-ce le rôle du promoteur de construire un commissariat, le siège d’un arrondissement, une école, un dispensaire, une mosquée… voire des voiries hors site?
Catégorisation, classification & standing
Le constat aujourd’hui est qu’il y a un grand désordre dans la catégorisation des standing. N’importe quel promoteur décrète -via affiches, publicité- qu’il commercialise du luxe, du très haut standing, du premium, VIP… Ou encore parfois le logement social amélioré peut se transformer en moyen standing. Les dérives se multiplient et les publicités mensongères pullulent dans l’impunité. La FNPI se dit consciente de ce phénomène qui prolifère et dénonce vigoureusement ce genre de pratiques.
«A l’origine de ces pratiques, le vide dans la définition du statut de promoteur. Il faut un statut du promoteur. Autrement, n’importe qui s’improvise du jour au lendemain promoteur. Cela s’explique aussi par l’absence d’un strict cahier des charges avec des critères précis qui définissent le classement des biens selon le quartier, le choix des matériaux, les équipements de confort, l’isolation…», précise Rachid Khayatey.
Sur ce sujet, la FNPI s’est résolue à mettre de l’ordre. C’est d’ailleurs l’un des chantiers prioritaires qu’elle compte lancer incessamment. Sur le même registre, la FNPI est en train de mener une réflexion pour se transformer en Ordre ou Chambre de métier, car jusque-là elle n’a que le statut d’association qui ne lui permet pas de contrôler et prendre des mesures disciplinaires contre les dérives.
Un débat est déjà engagé dans ce sens avec le ministère de tutelle. Par ailleurs, la FNPI a mis en place une Charte d’éthique qui engage l’ensemble de ses membres (respect du client, transparence, déontologie, sécurité, assurances, garanties…). Sauf que cela n’engage que les adhérents de la fédération.
Tout l’enjeu consiste à donner l’exemple pour que les autres suivent. Et c’est le statut de la profession qui obligera le reste des promoteurs à se conformer aux règles. Parmi les mesures prises par la FNPI, la labellisation des chantiers, qui va jusqu’à sanctionner la publicité mensongère. Des membres ont déjà été sanctionnés, explique-t-on.
Selon le vice-président Khayatey, pour mettre de l’ordre dans la profession, il s’impose de mettre en place un référentiel pour établir des pré-requis en termes d’emplacement du bien, des matériaux, la superficie, les équipements, l’isolation thermique, acoustique…