Immobilier professionnel: Des taux de rendement autour de 9%

tarik_el_harraqui_009.jpgLe marché de l’investissement immobilier peine à atteindre la pleine croissance en raison principalement de sa faible liquidité: peu d’actifs à la vente, peu d’acteurs et donc peu de transactions. Tarik El Harraqui, directeur senior au cabinet conseil en immobilier CBRE décrypte et analyse les indicateurs-clés de rentabilité d’un investissement immobilier.

– L’Economiste: Quelle est votre analyse du marché de l’investissement en immobilier tertiaire?
– Tarik El Harraqui: Je tiens à préciser que l’on ne parle d’un marché de l’investissement en immobilier tertiaire au Maroc que depuis quelques années. Historiquement, seules quelques opérations étaient réalisées par des institutionnels (principalement des transactions intra-groupes) et quelques privés. Depuis 2010, ce marché est en phase de structuration. On voit ainsi l’émergence d’un secteur plus rationnel, structuré et professionnalisé, répondant de plus en plus aux standards internationaux, avec tout un écosystème de professionnels: conseil immobilier (expertise marché, technique et financière), gestion d’actifs (asset, property et facility management) et juristes spécialisés (avec une législation qui s’adapte également: OPCI, loi sur les baux). Le constat aujourd’hui est qu’il y a également une émergence d’évaluateurs en immobilier spécialisés, recourant à des méthodes d’expertise reconnues par les plus grands organismes financiers, notamment avec l’adhésion de plus en plus de professionnels marocains à l’institution la plus reconnue au niveau mondial: la Royal Institute of Chartered Surveyors (RICS).

– Quid du profil des investisseurs?
– Historiquement, la recherche de revenus immobiliers restait limitée aux institutionnels, tels que les fonds de pension/assurances. Ces derniers cherchant à diversifier les placements affectés à la couverture des engagements inhérents aux opérations d’assurance. A ce jour, la part de l’immobilier à rendement dans ces placements reste négligeable. Mais depuis quelques années, l’on voit apparaître un nouveau profil d’investisseurs spécialisés dans ce type de produits (foncières cotées ou non, fonds immobiliers, etc.). Nous avons ainsi vu récemment l’introduction en Bourse d’Immorente en tant que foncière cotée. Le marché a également vu l’arrivée d’investisseurs internationaux, avec l’acquisition du mall d’Anfa Place par la foncière Grit (Afrique du Sud). Cette dernière étant depuis peu cotée à la Bourse de Londres, Anfa Place est probablement le premier actif marocain à rendement détenu par une foncière cotée au LSE. De plus en plus de privés s’y mettent aussi, cherchant de nouveaux créneaux dans ce secteur du fait, entre autres, de la forte concurrence sur les opérations de promotion et le manque d’attractivité des investissements alternatifs (actions, OPCVM ou obligations).

– Quels sont les produits immobiliers qui répondent le plus aux besoins des investisseurs?
– Bien que sur les 10 dernières années plusieurs projets tertiaires ont été réalisés avec succès dans le respect des standards internationaux (centres commerciaux, entrepôts logistiques, immeubles de bureaux de nouvelle génération), ces actifs considérés comme des produits matures prisés sont rares. Les investisseurs et notamment ceux qui souhaitent développer des OPCI auront donc la difficulté de trouver ce type d’actifs qui sont principalement cantonnés à Casablanca (quelques produits de bureaux à Rabat et industriels à Tanger). Face à cette rareté, les investisseurs qui sont eux «risk-averse» (type institutionnels) sont obligés de prendre un peu plus de risque, que ce soit le risque développement, commercial ou les deux.

– Où résident les niveaux de rentabilité observés au Maroc pour ce type de produits et comment évoluent-ils?
– L’indicateur-clef pour analyser la rentabilité d’un investissement immobilier de ce type est le «taux de rendement» ou «yield» en anglais. Il exprime en pourcentage le rapport existant entre le revenu (hors taxes et charges) d’un immeuble et son prix d’acquisition. Le yield doit donc tenir compte des caractéristiques de l’immeuble: sa liquidité sur le marché, son obsolescence et la sécurité des revenus projetés.
Plus l’actif est de qualité/sans risque, plus les investisseurs sont prêts à payer le prix fort, ce qui a pour conséquence de baisser le yield. Ainsi, les marchés matures affichent des yields plus faibles que les marchés en croissance où le risque est perçu plus important. Au Maroc, le marché de l’investissement en immobilier à rendement est encore peu liquide pour estimer un seul chiffre. Nous pouvons néanmoins s’accorder sur une fourchette qui découle des transactions enregistrées, mais également d’offres non concrétisées. Aujourd’hui, les yields à Casablanca varient entre 8,25 et 9% pour des immeubles de bureaux «prime» – grade A (immeubles de qualité), plus rarement 8%. Comparativement, les yields à Madrid, Milan ou Lisbonne sont respectivement de 3,8, 3,5 et 4,8% à fin 2017.
Ces disparités expriment (en plus du coût de l’argent sans risque propre à chaque pays), la prime de risque du secteur: la dynamique du marché dans la ville en question, la prime de risque de l’immeuble et sa liquidité (laquelle dépend de la localisation, de la qualité du preneur ou encore de la qualité de la gestion par l’opérateur/exploitant…).

– Comment évoluent ces yields?
– Après la hausse généralisée entre 2007 et 2010 (en raison de l’impact de la crise financière sur les prix de vente des actifs), les yields ont amorcé une baisse dans plusieurs pays de la région EMEA. Les yields bureaux «prime» sont ainsi passés de 5,8% en 2008 à 3,5% à fin 2017 en Europe. Au Maroc, la compression des yields a également été amorcée depuis 2010 avec une baisse de 10% – 9,5% à 9% – 8% Contrairement à l’Europe, cette baisse est plus structurelle que conjoncturelle. Celle-ci s’explique par plusieurs facteurs: la hausse de la demande (plus d’investisseurs), des marchés européens en reprise et enfin les perspectives offertes par des véhicules offrant un cadre fiscal attractif (loi sur les OPCI). Mais la principale cause pouvant expliquer la baisse des yields, et donc cette hausse des prix, réside dans la disponibilité des opportunités d’investissement. En effet, le principal frein au développement de l’investissement à rendement reste la rareté des opportunités dites Core/ Core + (immeuble à rendement présentant un risque faible: loué, preneur de qualité, bonne localisation, bonnes prestations).

L’aubaine des sites industriels

Renault, PSA, Bombardier… Les sites industriels se multiplient au bonheur des société spécialisées en construction. Plusieurs investisseurs se positionnent sur la construction d’usines pour le compte de futurs acquéreurs (ou Built to Suit). C’est le bon compromis, car bien que présentant un risque de développement (retards, dépassement du budget…), le risque commercial est plus faible puisque le preneur est sécurisé en amont des travaux. Ce schéma s’est considérablement développé ces dernières années, boosté par la stratégie du Maroc pour attirer les constructeurs automobiles et leurs sous-traitants. Ces utilisateurs préfèrent, dans la majorité des cas, louer des locaux neufs construits selon leurs standards et leur cahier des charges.

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