Immobilier : les Espagnols en colère contre le Tribunal suprême et les banques

L’affaire enflamme le pays : qui doit payer l’impôt que prélèvent les communautés autonomes espagnoles sur les prêts hypothécaires ? Jusqu’à présent, c’étaient les clients. Mais le Tribunal suprême, sommet du système judiciaire espagnol, a décrété le 18 octobre que c’est aux banques d’honorer cette taxe, puisque ce sont elles qui tirent bénéfice des prêts immobiliers.

L’arrêt des 28 juges a suscité l’euphorie parmi les emprunteurs qui espéraient que les banques rembourseraient les sommes déjà versées. Pourtant, le tribunal ne se prononçait pas sur une éventuelle rétroactivité de sa décision. Et dans le même temps, grise mine dans le monde de la finance : le jour même, le cours des actions bancaires chutait en Bourse.

La suite est inédite : le Tribunal suprême convoque une session plénière et décide mardi, à la stupeur générale, d’inverser sa décision et de confirmer que les consommateurs seront bien les payeurs. Le scandale est énorme. Pour la gauche et les mouvements de défense des consommateurs, les juges ont cédé aux pressions des banquiers qui ont brandi le spectre d’un nouveau krach s’ils devaient assumer les taxes sur les crédits déjà accordés ou à venir. Le chef du gouvernement, le socialiste Pedro Sánchez, a tonné mercredi et promis une loi qui imputera aux établissements bancaires la taxe régionale. De son côté, la banque respire et la Bourse a repris le terrain perdu.

Le revirement du tribunal jette un doute sur son indépendance. Composé de juges nommés en majorité par la droite, au pouvoir entre 2010 et juin dernier, il est présidé par le magistrat Carlos Lesmes. Ce dernier doit lui-même ses promotions aux gouvernements Aznar et Rajoy, du Partido popular. L’homme avait affirmé, le 25 octobre, que la session plénière du Tribunal suprême n’inverserait pas la décision du 18.

L’affaire rappelle un autre feuilleton juridico-fiscal : en 2013, la même cour déclarait illégale la «clause plancher» imposée par les banques aux crédits immobiliers. Contrairement à la France, où l’argent est en majorité emprunté à taux fixe, les Espagnols signent des crédits à taux variable. La clause garantissait un taux minimum à la banque si le taux de référence (Euribor) descendait très bas. Le Tribunal suprême n’imposait pas le remboursement, ce qu’a fait la Cour de justice de l’UE en 2016.

Libération

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