Immobilier: Le marché s’enfonce dans la crise

Les ventes de biens résidentiels poursuivent leur baisse entamée depuis 2017. L’activité a évolué en dents de scie ces dernières années avec des situations contrastées selon les villes. Le renchérissement des prix explique en partie le recul de l’activité
La présence massive des MRE qui animent le marché en été n’y aura rien changé. L’immobilier s’enfonce un peu plus dans la crise après un premier semestre durant lequel les transactions ont poursuivi leur baisse. Après un recul de 3% au premier trimestre, les ventes de biens résidentiels ont diminué de 4,4% entre avril et juin selon Bank Al-Maghrib.

L’année dernière, les transactions sur les logements avaient décroché de 8,7%. La contraction de la demande sur les segments moyen et haut standing est particulièrement visible au point que certaines études des notaires deviennent menacées financièrement. Le social se comporte mieux, mais montre aussi des signes d’essoufflement. Les ventes d’appartements, les biens les plus échangés, ont reculé de 5,5% au 2e trimestre 2018 après un repli de 3,1% les trois mois précédents.

Les préoccupations des ménages sur leur pouvoir d’achat dans un contexte de croissance molle pèse sur leurs investissements ou tout au moins les poussent à les reporter. Le nombre de dossiers de crédit à l’habitat approuvé par les banques est sur une tendance baissière.

Un peu plus de 71.000 prêts immobiliers ont été accordés en 2017, en retrait de 13% en trois ans. D’autres facteurs, peut-être plus décisifs, comme le renchérissement des prix des actifs influencent le comportement des acquéreurs. Malgré des taux d’intérêt qui restent favorables (4,81% en moyenne en 2017), la hausse des prix des biens immobiliers décourage l’achat.

Les situations sont contrastées selon les villes. A Casablanca, le premier marché de l’immobilier, les transactions (résidentiel, foncier et locaux commerciaux) sont en recul sur un an mais affichent une hausse de 15,6% par rapport au 1er trimestre. Le niveau d’activité s’améliore sur trois mois comme sur un an à Rabat.

En revanche, le marché évolue en dents de scie à Marrakech. En volume, les transactions sur les six premiers mois de l’année y sont en recul par rapport à la même période l’année dernière.

Les prix dans le résidentiel se stabilisent

Après trois années de hausse, les prix des actifs immobiliers restent sur le même trend après six mois en 2018. Ils ont augmenté de 0,9% au deuxième trimestre selon l’enquête trimestrielle de Bank Al-Maghrib. L’inflation a surtout concerné le foncier (+2,4%) et les biens professionnels (+1,4%). En revanche, les prix de vente des biens résidentiels sont demeurés stables par rapport au 2e trimestre 2017. Ils ont même baissé pour les maisons pour le deuxième trimestre consécutif. Les appartements qui sont les biens les plus échangés ont vu leur prix stagner depuis le début de l’année. Sur un an, les plus fortes hausses ont été enregistrées à Agadir (+5,1%), Rabat (4,4%) et à Kenitra (3,3%). Les prix ont augmenté de 1,2% à Casablanca mais ont baissé de 1,2% à Marrakech.
«Les prix planchers ont été atteints à Marrakech»

Gestionnaire de fortune et spécialiste de l’immobilier de luxe, Bernard Charrière dirige la société MC Suisse Connexion dont une antenne est implantée à Marrakech depuis près de dix ans. Il décrypte les tendances du marché.

A Marrakech, Guéliz se distingue

La demande dans le segment haut de gamme s’oriente vers des appartements hyper centrés avec des commerces à proximité, mais aussi de qualité. Le potentiel de revente est aussi pris en compte par notre clientèle, et la bonne tenue de la copropriété est un facteur important. Nous avons également des demandes  à l’extérieur dans des resorts avec une offre étoffée de loisirs et une sécurité commune. Quelques immeubles de bonne facture situés à l’Hivernage et au Guéliz, construits entre les années 2002 et 2008 environ, commencent à voir un taux de rotation et de revente ces dernières années. En effet, ces immeubles ont fait leur preuve, et sont bien tenus et entretenus par la copropriété. Les prix sont un peu plus élevés que la moyenne, mais nous les conseillons à notre clientèle, pour justement bénéficier d’un atout de revente plus facile.

Même si les transactions sont à un niveau plus rare qu’avant 2008-2010, comme me le soulignent des amis notaires de la place, l’image internationale de Marrakech s’étoffe, ce qui laisse apparaître une vraie base d’investisseurs réguliers sur ce marché. Après avoir été un eldorado pendant des années pour des investisseurs de masse, Marrakech, maintenant avec moins de transactions, mais une moyenne d’investissement plus élevée, se place dans la concurrence des destinations «soleil» comme l’Espagne, le Portugal, Maurice, et ce avec de beaux atouts.

Retour à la modération des prix

Oui, effectivement, nous notons une stagnation générale des prix à un niveau de consolidation depuis plusieurs années, après la chute des années 2008-2012. Cela est dû à plusieurs facteurs. D’une part, le prix de revient de construction dans le centre-ville avec le coût de la main-d’œuvre en légère hausse chaque année, des finitions plus onéreuses en moyenne, ainsi que des terrains disponibles plus rares, laisse présager que les prix planchers ont été atteints. D’autre part, beaucoup d’investisseurs, marocains en particulier, thésaurisent dans des biens immobiliers. Même sans revenus locatifs, et une inflation faible mais constante, les prix finiront pas remonter sur la durée d’investissement. Enfin, contrairement aux marchés occidentaux où l’emprunt hypothécaire est important et représente un pourcentage élevé du prix d’achat du bien, au Maroc, une partie des investissements se fait avec des fonds propres importants, voire parfois en totalité, ce qui rend la pression moins forte de vendre lorsque le marché est plus difficile.

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