Immobilier: Des mesures fortes attendues pour relancer le secteur

Le ministère de l’Habitat organise, à partir de mercredi 2 mai, une série d’ateliers de réflexion avec toutes les parties prenantes dans le but de relancer le secteur de l’habitat. Analyse de la situation, notamment dans le segment social (le gros du marché), avec le président de la FNPI et le directeur d’une banque de la place. Principale conclusion: la demande est là, il faut la financer et adapter l’offre aux besoins.

Avec 366.500 unités à 250.000 DH construites à fin 2017, le dispositif du logement social a déjà atteint 122% de son objectif à l’horizon 2020. En ajoutant les 221.500 unités en cours de réalisation, l’on monte à presque 200% de l’objectif. Sachant qu’il existe 1,66 million de logements conventionnés (ayant fait l’objet d’une signature de convention entre l’Etat et les promoteurs) depuis le démarrage du programme, ce chiffre des unités achevées et en cours de réalisation augmentera davantage au cours des prochaines années.

Si ces réalisations ont permis au secteur immobilier de résorber une bonne partie du déficit en logements et de contribuer de manière significative à l’économie en matière d’investissement, de valeur ajoutée et d’emplois créés, comme l’a montré l’étude du ministère de l’Habitat présentée le mardi 24 avril, des questions se posent sur la capacité du marché à absorber toute cette production et sur l’adéquation de l’offre par rapport aux besoins, dans un contexte de fort ralentissement des ventes.

Des stocks difficiles à écouler

Les promoteurs immobiliers dans le segment social disposent-ils de stocks qu’ils ont du mal à écouler? Oui, répond, sans être alarmiste, Kamil Taoufik, président de la FNPI (Fédération nationale des promoteurs immobiliers). “Les stocks d’invendus existent, mais en face la demande est là. Il y a toujours un déficit de logements et la nouvelle demande vient chaque année élagir le besoin”, affirme-t-il.

Le patron d’une banque de la place abonde dans le même sens. “Il existe un stock d’invendus mais la situation n’est pas alarmante. L’offre actuelle peut trouver preneur en quelques mois”, estime-t-il.

Ce spécialiste du financement immobilier limite le phénomène des invendus à quelques programmes immobiliers mal situés ou mal dotés en équipements.

“Le prix étant le même quelle que soit la localisation, les biens à l’intérieur des villes se vendent plus facilement que ceux situés 20 km à l’extérieur. D’autant plus si ces derniers ne bénéficient pas des infrastructures (routes, ndlr) et des moyens de transport nécessaires aux habitants”, précise-t-il. Et d’ajouter que les programmes dotés d’ascenseurs et d’espaces verts, avec des appartements de trois pièces trouvent plus facilement preneurs.

Problème de solvabilité de la demande?

Pour les deux responsables, le vrai problème se situe actuellement au niveau de la demande.

Le banquier se contente de souligner que, hormis les logements mal situés, le rythme d’écoulement des biens est globalement plus lent qu’auparavant en raison d’un problème de solvabilité de la demande. Autrement dit, les acquéreurs potentiels sont bloqués par leur profil qui les empêche d’accéder au financement.

Le président de la FNPI est, lui, beaucoup plus explicite et refuse de qualifier la demande d’insolvable. “Les banques n’accompagnent plus les acquéreurs et le système de garantie étatique n’est pas pleinement exploité. Seuls le CIH et la Banque Populaire continuent à accorder des crédits Fogarim. Et encore, ces deux banques ne financent que les acquéreurs de logements construits par des promoteurs ayant eux-mêmes pris auprès d’elles des crédits à la promotion”, martèle-t-il. Il ajoute que pour les dossiers de crédit acceptés, le montant accordé dépasse à peine 160.000 DH, ce qui laisse environ 90.000 DH à la charge de l’acquéreur. Un apport personnel lourd pour une catégorie sociale majoritairement à revenus faibles et irréguliers.

Pour résoudre ce problème d’accès au financement et de solvabilité de la demande, la FNPI participe, au même titre que les banquiers, à un atelier de réflexion sur le sujet qui sera organisé le 8 mai par le ministère de l’Habitat. “Nous espérons sortir avec des solutions concrètes et opérationnelles”, affirme M. Taoufik.

Locatif social: libérer les prix et renforcer la protection des investisseurs

En attendant, la problématique des stocks d’invendus reste posée. Et le phénomène risque de s’aggraver avec la quantité de logements en cours de construction qui sera bientôt mise sur le marché. Quelle solution? Le locatif social?

Oui, répond le président de la FNPI, mais le dispositif en vigueur n’attire personne.

Rappelons que le mécanisme du locatif social a été adopté en 2012 pour accorder des avantages fiscaux aux investisseurs qui acquièrent des logements en vue de les mettre en location. Mais les conditions fixées ont fait fuir les potentiels intéressés, notamment le loyer fixé au départ à 1.200 DH puis relevé à 2.000 DH.

Le directeur de banque affirme également que le locatif est une bonne solution et pas uniquement pour liquider le stock d’invendus, mais pour relancer le secteur immobilier de façon structurelle.

“Ce n’est pas bon pour un pays que tous les ménages soient propriétaires, car la propriété diminue la mobilité. Or une économie agile doit avoir un minimum de mobilité, notamment chez les jeunes dont les capacités financières ne doivent pas être obérées par le passage direct à l’acquisition”, justifie-t-il.

Mais pour lui, les conditions pour développer le locatif au Maroc ne sont pas encore réunies et ce, même si la demande sur ce segment est forte.

“Dans le cas du locatif social, il ne faut pas fixer le prix du loyer, il faut laisser le marché s’autoréguler”, ajoute le banquier qui précise qu’on ne peut pas mettre en location deux logements sociaux au même prix alors que le premier se situe au centre de Casablanca et le second à la périphérie d’une petite ville.

Aussi, pour permettre d’alléger les prix à la location tout en maximisant le rendement des investisseurs dans le locatif social, il préconise de revoir la réglementation du bail pour mieux protéger les propriétaires. “Il ne faut pas oublier que le prix inclut le coût du risque: loyers impayés, dégradation du logement par le locataire, difficultés d’éviction… Ces problèmes ne sont toujours pas réglés au Maroc”, précise le directeur.

Et d’ajouter enfin, sur le volet locatif, que le lancement en cours des OPCI (Organismes de placement collectif en immobilier) peut représenter une réelle opportunité pour le segment de l’immobilier résidentiel, à condition que l’arsenal juridique soit verrouillé et complété (réglementation du métier de syndic, de société de gestion immobilière…).

Surplus de production: “L’Etat doit prendre ses responsabilités!”

Mais qu’en est-il des zones où l’offre de logements dépasse largement la demande, locatif compris? En effet, dans certaines régions comme Fès, la production est loin de correspondre à la capacité d’absorption du marché. Les promoteurs ont construit à tour de bras dans des localités où le dynamisme économique fait défaut.

“Ce n’est pas la faute des promoteurs. L’Etat doit prendre ses responsabilités. Les agences urbaines sont censées avoir des études et des plans d’aménagement sur le long terme. Or elles ont autorisé un nombre important de projets là où la demande fait défaut”, martèle le président de la FNPI.

Quoi qu’il en soit, agir sur les leviers du financement de la demande et du locatif est une solution préconisée pour régler le problème actuel de l’écoulement des stocks invendus de logements sociaux. Mais il s’agit aussi de solutions structurelles pour garantir la bonne fin du programme des logements à 250.000 DH et la relance du secteur immobilier de façon générale.

Et à ce titre, l’adaptation de l’offre est également soulignée comme une condition importante pour la redynamisation du secteur.

La demande est là, il faut la financer et adapter l’offre aux besoins

Pour le président de la FNPI, construire des logements sociaux standard ne correspond plus aux besoins du marché. Il y a des familles nombreuses pour lesquelles un appartement de 60 m2 n’est pas suffisant. « Pourquoi fixer une limite en termes de superficie ? Ne faut-il pas garder le même prix au m2 et permettre la construction de logements plus adaptés à la demande ? », s’interroge M. Taoufik.

Et ce qui est valable pour les familles nombreuses l’est aussi pour les jeunes ménages et les célibataires pour qui une offre adaptée n’existe pas sur le marché.

Mais s’il y a une demande sur laquelle les promoteurs immobiliers insistent le plus, c’est la verticalité des constructions. Et cette revendication est valable aussi bien pour le logement social et celui destiné à la classe moyenne.

Autoriser la verticalité des construction, une nécessité

« Dans un contexte de rareté du foncier dans les centres urbains, pourquoi ne pas autoriser des immeubles R+7 ou R+8 ? Cela permettra d’amortir le coût du foncier sur un plus grand nombre de logements et ainsi réduire les prix de revient. Cela permettra aussi d’offrir des habitats proches des lieux de travail et des différentes commodités, contrairement aux projets situés en périphérie et qui sont difficiles à écouler. Enfin, construire en hauteur permettra de prévoir plus d’espaces verts et de lieux de vie dans les programmes de logements », indique M. Taoufik.

Et d’ajouter : « Nous ne demandons pas des exonérations fiscales supplémentaires. Il faut revoir les politiques urbanistiques dans certaines villes. Regardez l’expérience de Casa-Anfa. Regardez ce qui se fait à Tanger et à Meknès. Si le sol peut supporter des immeubles R+7, pourquoi empêcher leur construction ? », conclut le président de la FNPI.

Le directeur de banque conforte les promoteurs dans leur revendication. « La rareté du foncier en ville est problématique et les infrastructures (transport, écoles, sécurité…) ne suivent pas rapidement en périphérie. Or avec l’actuel niveau de verticalité, au-delà de 1.000 DH/m2 brut pour le foncier le social n’est pas rentable pour les promoteurs », affirme-t-il.

Les promoteurs saluent l’effort de concertation de la tutelle

En gros, toutes les parties s’accordent à dire qu’il devient urgent de revoir le modèle du logement social au Maroc et de mettre sur le marché une offre adaptée à la population cible mais également aux autres segments comme la classe moyenne.

Et c’est dans ce but que le ministère de l’Habitat organise, à partir de mercredi 2 mai, une série d’ateliers de réflexion avec toutes les parties prenantes pour relancer le secteur de l’habitat. Logements abordables, habitat insalubre, optimisation du coût du logement, habitat rural, financement et fiscalité, réglementation… Toutes les thématiques seront abordées.

Les promoteurs saluent l’effort de concertation de la tutelle et reconnaissent la volonté du ministère d’œuvrer pour relancer le secteur. Ils espèrent des mesures courageuses dont l’adoption reste toutefois tributaire de l’accord de tout le gouvernement.

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