Le niveau de la consommation nationale est à son plus bas depuis 10 ans.
La surcapacité réduit l’éventualité de l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché.
Le secteur du ciment enchaîne les années difficiles. À fin 2017, la consommation est à son plus bas niveau depuis 10 ans ! Les écoulements n’étaient que de 13 millions de tonnes sur toute l’année. Et la situation ne s’arrange guère en ce début d’année. Selon les derniers chiffres arrêtés par le ministère de l’Habitat, les volumes écoulés remontent à peine à 3,30 millions de tonnes au terme du premier trimestre de 2018. Soit une baisse de 15,11% comparée à la même période de l’année passée.
Représentant environ 70% de la consommation totale du ciment au Maroc, le secteur de la construction résidentielle, et notamment le segment de l’habitat social, représente le principal débouché du secteur cimentier. Après une courte période d’euphorie entre 2011 et 2012, l’essouflement de l’habitat social a conduit à une baisse des mises en chantier, provoquant mécaniquement une baisse de la demande en ciment. Depuis lors, malgré toutes les bonnes volontés, le marché ne s’est pas redressé. «Il est clair que la consommation de ciment évolue de façon corrélée avec les évolutions du niveau d’activité des secteurs du BTP et celui de la promotion immobilière. Ce qui dénote d’un sérieux malaise sectoriel/conjoncturel pour cette filière, au regard de la baisse de la demande et de l’essoufflement que connaissent les donneurs d’ordre, notamment les promoteurs immobiliers qui cumulent des baisses depuis 2011», nous explique Mehdi El Fakir, économiste et expert-comptable. Et d’ajouter : «Cette baisse est d’autant plus notable que les groupes cimentiers nationaux, à l’exception de CIMAT (Ciments de l’Atlas :ndlr), opèrent exclusivement au niveau du marché local, et de ce fait sont condamnés à subir de plein fouet les effets de cette crise sectorielle».
Une reprise escomptée
Quelques analystes tablent néanmoins, à partir de l’année en cours, sur une reprise modérée de la consommation de ciment. «A partir de 2018, nous prévoyons une reprise modérée de la consommation de ciment. Elle devrait croître de 1% en 2018, 2,5% en 2019 et 3,5% en 2020», dénotent les analystes de CFG Marchés. Et ce, selon eux, sous l’impulsion d’une amélioration graduelle de la croissance des activités non agricoles, en lien avec le redressement de la conjoncture chez nos principaux partenaires économiques de la zone Euro et d’une politique budgétaire relativement moins restrictive, devant se traduire par une croissance plus soutenue de l’investissement public.
Malgré cette reprise espérée, la croissance du secteur devrait revêtir un caractère modéré et rester inférieure aux niveaux observés sur la dernière décennie, caractérisée par un taux de croissance annuel moyen de 7,4% entre 2004 et 2011. Les analystes sont en effet convaincus, avec l’appui d’une analyse comparative entre le Maroc et les autres pays du monde, que la consommation de ciment a connu au cours des dix dernières années un important effet de rattrapage, ayant conduit la consommation par habitant à un seuil relativement élevé en tenant compte de notre niveau de développement économique, et que, de facto, la croissance à long terme du secteur resterait limitée. «Les différents scénarios de croissance économique et hypothèses de pic de consommation de ciment par habitant conduisent à estimer la croissance à long terme du secteur dans une fourchette comprise entre 1,4% et 3,1%», indiquent-ils.
Une surcapacité en constante augmentation
Disposant d’une capacité de production de 19 millions de tonnes à fin 2017, pour une demande nationale s’élevant à 13 millions de tonnes, le marché marocain est actuellement en situation de surcapacité. En augmentation depuis 2011, la surcapacité des opérateurs (6 millions de tonnes en 2017) les pousse de plus en plus à exporter une partie de leur production vers des pays d’Afrique subsaharienne où la demande est élevée. «La porte de sortie serait de la part des opérateurs une réorientation stratégique vers l’internationalisation, notamment dans les pays de l’Afrique qui regorgent d’opportunités en la matière, profitant d’un positionnement particulier pour le Maroc», estime Mehdi El Fakir.
En face, les analystes pensent que cette surcapacité réduit aussi l’éventualité de l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché. «A l’exception de la nouvelle cimenterie à Nador de Ciments de l’Atlas, nous ne pensons pas que de nouvelles usines ni de nouvelles structures verront le jour dans un avenir proche (les quatre prochaines années). En effet, nous ne pensons pas que la structure actuelle du marché (surplus de 6 millions de tonnes en 2017 : ndlr) encourage l’entrée de nouveaux acteurs ni l’investissement immédiat dans de nouvelles usines de production de ciment, d’autant plus que le coût de construction d’une unité industrielle de production de ciment est élevé. Selon nos projections, la capacité de production installée actuellement suffirait à couvrir les besoins nationaux en ciment jusqu’en 2023», souligne CFG Marchés.