Chantiers BTP: N’importe qui se décrète grutier

Une loi caduque qui remonte à 1953
Le Maroc récupère la ferraille de l’Europe
Plus de 2.000 morts/an dans les chantiers de construction

Des grues qui tombent à tout bout de champ. En l’espace d’un mois, deux engins se sont effondrés à Casablanca, faisant 3 morts, plusieurs blessés et d’importants dégâts matériels (le 20 mars et 23 avril dernier). C’est connu, dans le BTP, les accidents de travail sont 3 à 4 fois plus mortels que les autres activités et les chutes de hauteur représentent la majorité des incidents (environ 45%).

Ce secteur enregistre annuellement 66.000 accidents, dont 2.000 mortels! La problématique de la sécurité sur les chantiers et particulièrement pour les grues à tour et autres engins de levage est plus que jamais d’actualité.

«Au Maroc, il n’existe aucune réglementation particulière pour ce type de machines, aucune barrière à l’importation en termes d’âge ou de qualité, aucune obligation de contrôle une fois la grue montée sur site…», déplore Said Essaidi, DG de Promat, une société spécialisée dans l’importation et la distribution de grues. Un marché dominé par trois principales entreprises: Potain, Jaso et Saez.

Ce professionnel rappelle qu’aujourd’hui ce secteur est régi par une législation qui remonte aux années 50! Une révision de l’arrêté est actuellement en cours, déterminant les mesures particulières de sécurité relatives aux appareils de levage autres que les ascenseurs et monte-charge (le projet sera déposé bientôt au SGG).

La nouvelle réglementation permettra une mise à niveau par rapport aux normes européennes. Mais, en attendant plusieurs facteurs continuent de miner la sécurité sur les chantiers: vétusté du parc, absence de contrôle, de formation, chantiers fermés et anarchiques… «Suite à la crise de 2008, plusieurs engins vétustes européens se sont retrouvés sur le marché marocain sans aucun contrôle», poursuit le manager. Le facteur coût y est pour beaucoup dans cette situation.

En effet, le prix d’une grue neuve démarre à partir de 3 millions de DH, alors qu’une grue d’occasion (de 30 ans d’âge) ne coûtera que 300.000 à 400.000 DH. D’autant plus qu’il existe des critères d’âge pour les engins roulants (comme les grues mobiles dont l’âge ne doit pas dépasser les 15 ans pour l’import), mais, pour les grues à tour fixe, les plus dangereuses, il n’existe pratiquement aucune obligation réglementaire.

En effet, ce type de grues est fixé au sol au cœur du chantier et pendant toute la durée des travaux. Une seule grue va alimenter tout le chantier, d’où les multiples dégâts qu’elle peut engendrer en cas de défaillance, due à plusieurs facteurs (vétusté, vents forts, inexpérience du conducteur…). Si en Europe un système de rayonnage interdit de survoler des immeubles d’habitation, il n’en est rien au Maroc.

Parmi les risques encourus figurent le renversement d’engins, sous l’effet du vent ou la défaillance du sol, la collision engins-engins, engins-obstacles (câbles électriques,…) et surtout engins-personnes… Autres accidents potentiels: pertes ou chutes de charges manipulées, bris de matériels et chutes du personnel lors des déplacements sur les engins… Des risques accrus du fait que la majorité des grutiers n’a pas reçu une formation spécifique, ni de certificat d’aptitude à la conduite.

Tout grutier doit en principe savoir lire et écrire, avoir de bonnes aptitudes physiques (pour pouvoir monter et descendre chaque jour), ne pas être sujet aux vertiges, avoir une bonne vue… Malheureusement, ces critères ne sont pas souvent observés dans nos chantiers.

Quelques recommandations

● Mise à jour de la réglementation au plus vite avec textes d’application
● Législation sur la vétusté des engins et grue à tour. Limiter l’ancienneté à 10/15 ans pour rajeunir le parc
● Contrôles obligatoires et périodiques par un Bureau de contrôle indépendant
● Etendre le contrôle par des organismes publics pour veiller à l’application de la loi (inspection du travail ou autre)
● Formation des grutiers obligatoire pour professionnaliser cette fonction
● Revoir la politique du moins disant en intégrant une valorisation de la qualité du matériel et de la formation du personnel.

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