Anti-spoliation: Méfiez-vous de la SCI !

Un véhicule juridique pour les malfaiteurs
Enregistrement obligatoire dans un registre spécial
Le patrimoine de l’entreprise soumis à la transparence

Certaines sociétés civiles immobilières (SCI) servent de véhicules juridiques aux malfaiteurs. Ils en usent pour spolier les terrains, immeubles, villas… Voire blanchir l’argent salle dans la pierre. Le ministère de la Justice veut faire le ménage. Son projet de loi n° 31-18 va modifier l’article 987 du Dahir des obligations et des contrats. Plusieurs mesures y sont prévues.

Ainsi, un registre des procurations immobilières sera créé auprès du secrétariat greffe du tribunal où l’acte a été rédigé. Ce registre sera constitué d’une version papier et informatique. Le contrôle de cette base de données sera assuré par le président du tribunal ou son substitut. Un texte réglementaire va en préciser les modalités de gestion.

Si une SCI souhaite hypothéquer ses biens, elle devra rédiger un acte sous peine de nullité. Le document devra être enregistré en principe à la Conservation foncière.

«Le but de ces formalités est d’éviter que le patrimoine immobilier de l’entreprise reste en dehors de la réalité juridique», commente Me Mbarek Sbaghi. Une mesure qui rappelle celle introduite par le nouveau code de commerce. Il impose la publicité du redressement judiciaire d’une entreprise à la Conservation foncière (cf. L’Economiste n°5357 du 25 septembre 2018).

La SCI devra aussi bénéficier de la personnalité morale. Et ce pour l’obliger à s’inscrire dans le Registre de commerce. C’est à partir de la date de son inscription que l’entreprise va pouvoir faire valoir son statut juridique. A l’instar du Registre du commerce, celui dédié aux SCI sera tenu par le tribunal.

La tenue de ce registre sera calquée sur celle prévue pour la procuration. Adopté le 14 juin 2018 par le Conseil de gouvernement, le projet de loi prévoit «l’enregistrement automatique dans le futur registre des SCI qui figurent déjà dans le Registre de commerce». Reste un «petit bémol».

Le Registre de commerce est tenu localement par le tribunal de commerce et au niveau central par l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (Ompic). Les données juridiques ne sont pas toujours à jour. Les chefs d’entreprises ne déclarent pas forcément les changements intervenus dans leurs sociétés: dénomination, dirigeants, capital, siège, nantissement, saisis, redressement judiciaire…

L’avocat d’affaires Kamal Habachi confirme: «Les informations sur l’entreprise ne sont pas toujours actualisées. Elles ne le sont généralement qu’en cas d’obligation comme la soumission à un marché public, la demande d’un prêt bancaire ou sous injonction de la société mère, notamment celles cotées en Bourse».

Le dépôt des actes doit se faire 30 jours à compter de la date de l’assemblée générale ou de la modification. La loi prévoit des amendes allant jusqu’à 50.000 DH pour les sociétés anonymes et la SARL. «La justice ne les applique pas automatiquement», regrette Me Habachi.

Quitte à être provocateur, la spoliation foncière est une chance! L’Etat doit repenser sa vision de la justice. Ce n’est pas l’Institut supérieur de la magistrature qui va faire cette révolution mentale. Le juge est un maillon parmi d’autres de l’appareil judiciaire.

Le conseiller, les biens abandonnés et la liste Basri

Les Chambres de commerce étrangères basées au Maroc n’hésitent pas à avertir les éventuels investisseurs. «En intégrant mon poste il y a un an, j’étais stupéfait de constater qu’il y avait la spoliation foncière», témoigne sous couvert d’anonymat un conseiller commercial européen. Les chefs d’entreprises sont mis sur leur garde: «Je leur conseille de s’adresser toujours au notaire pour effectuer une transaction immobilière et de faire preuve surtout de diligence», poursuit notre interlocuteur européen.

Sur les 8.299 biens en déshérence recensés à ce jour, 4.262 ne sont pas immatriculés. La liste établie par l’Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie vaut de l’or. Elle risque de susciter les convoitises à moins… de la diffuser. «Ainsi, tout le monde va surveiller tout le monde. L’accès à l’information est le meilleur moyen d’assurer un contrôle. Ce n’est pas pour rien que les procès sont publics», propose une observatrice très avertie.

On pourra espérer ne pas réitérer l’antécédent de la liste Basri. Du nom de l’ancien ministre de l’Intérieur (1979-1999). La liste a été établie dans les années 1980 afin de recenser les biens fonciers abandonnés. L’opération a été menée avec l’appui des conservateurs fonciers. Selon plusieurs témoins, cette liste contenait des données satellitaires, numéros de titres fonciers et de réquisition.

«Je l’ai vue. Je n’ai pas voulu la toucher ni la garder. Chaque donnée de cette fameuse liste a été vendue à prix d’or», confie l’une des victimes de la spoliation foncière sous couvert d’anonymat. La liste Basri aurait permis le vol de plusieurs propriétés. C’est ce scénario qu’il va falloir éviter.

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